Par Noémie Moukanda The Afro News Europe
Le débat sur le port du voile a été relancé par le président Obama dans son allocution du Caire, le 6 juin dernier. En Europe, France et Belgique en ligne de mire, politiques et opinion publique ne tombent pas d’accord.
Le discours du président américain a quelque peu égratigné les pays réfractaires du foulard et indigné des associations féministes. Barack Obama, à la tribune de l’Université du Caire, a pris la défense du voile islamique, critiquant les pays occidentaux qui dictent « les vêtements qu’une femme doit porter », et donc gênent les musulmans dans la pratique de leur religion.
Par pays occidentaux, la France et la Belgique, entre autres, sont implicitement visées. Sous Jacques Chirac, en 2004, la République française, au nom de la laïcité, avait banni légalement tout signe religieux ostentatoire à l’école, tels que le hidjab ou voile islamique, la kippa ou de grandes croix. Ce qui avait déchaîné les passions. Cependant, le nouveau président a soutenu le discours de son homologue américain. Nicolas Sarkozy, défenseur d’une « laïcité positive », a rappelé que lui aussi a contribué à ce que les musulmans de France vivent leur foi, faisant allusion à la création du Conseil français du culte musulman (CFCM).
Toutefois, le président Sarkozy a reprécisé les « deux limites » fixées à cette liberté. D’une part, l’interdiction de porter le hidjab aux guichets des administrations, « parce que nous sommes un État laïc » et que «les fonctionnaires sont là pour tout le monde». D’autre part, la décision de se couvrir la tête émane du «libre choix» de celle qui le fait. Nonobstant, une soixantaine de députés français, dont une grande partie issue de la droite, ont demandé la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire sur le port de la burka ou du niqab, voile intégral, au risque d’attiser la guerre du voile.
En Belgique, la polémique n’a jamais cessé de faire rage. Elle a été dernièrement ravivée par la validation de deux règlements par le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative du pays, interdisant le voile à l’école. Car le débat belge tourne, essentiellement, autour du port du foulard dans l’enseignement, où 90% des élèves ne peuvent l’arborer. Les autorités ne veulent pas légiférer une question aussi sensible, renvoyant la patate chaude aux directeurs des établissements scolaires publics. En effet, l’autorisation du hidjab ou tout autre signe religieux ostentatoire reste de l’appréciation de ces derniers. Ceci dit, les différentes familles politiques belges n’accordent pas leurs violons, certaines étant partisanes et d’autres farouchement opposées. Par ailleurs, des universitaires, juristes et politologues, veulent se porter la voix des incomprises en présentant un texte qu’ils espèrent voir adopté en décret, préconisant le port du foulard, sous certaines conditions cependant.
Le discours de Barack Obama a sorti de ses gongs, Sihem Habchi, présidente du mouvement féministe « Ni putes ni soumises » qui dit « non à la dégradation constante et inadmissible que subissent les filles ». Dans une lettre ouverte, elle s’est adressé à « Mister President » : « Votre discours est marqué d’un relativisme culturel aveugle à la dégradation de la condition des femmes, au fait que leurs choix sont rarement vraiment libres ! (…) En voulant parler aux musulmans, vous avez parlé en réalité aux islamistes. Je me refuse à croire que tout ce que vous proposez, ce soit de nous enfermer sous le voile. La France n’a pas besoin de recevoir de leçon. Cette terre laïque a permis de creuser pendant des siècles un espace du vivre ensemble. (…) Le débat autour du droit des femmes est lancé de par le monde et notamment, de manière cruciale, dans les pays arabes. Rien ne pourra arrêter cette dynamique… »
En Allemagne, en Turquie et au Canada également le débat s’anime autour du hidjab, sacré et décrié à la fois. Expression religieuse pour certains, pour aliénation d’autres, le voile ne sera jamais levé sur le foulard, tissu de tant de déchirements.