Vivre en milieu minoritaire…
Deux jeunes Québécois de passage me demandaient récemment comment c’était que de vivre en milieu minoritaire lorsqu’on est né francophone et installé ici depuis longtemps. Les charmes de la Côte-Ouest les avaient sans doute incités à considérer le scénario tel la plupart de nouveaux arrivants, fussent-ils Français, Québécois, Acadiens, d’ailleurs dans la francophone internationale ou encore du “hors-Québec”. Ce que je considérais moi-même il y a plus de 30 ans suite à une première visite et un séjour de quelques années en Alberta. Les deux visiteurs me demandaient également comment la “communauté” francophone du grand Vancouver se portait.
J’aurais pourtant dû pouvoir répondre adéquatement, me préoccupant du sujet depuis longtemps. Les habitués de mon franc-parler seront surpris d’apprendre que je me suis essentiellement défilé les référant simplement à nos “porte-paroles” et médias officiels mieux placés pour répondre, avant de passer au prochain sujet… D’une part, je ne suis pas sûr s’ils étaient prêts à entendre ma réponse et si j’étais vraiment prêt à la partager. Ma réponse de “non-dit” suffisait ce matin-là mais allait subséquemment me hanter, la question étant bien authentique.
Oui j’aurais pu facilement parler de nos “services en français”, écoles, garderies, centres d’ainés, scène des arts et spectacles, festivals, diffuseur public, centres culturels, petits regroupements francos et enfin du magnifique soutien de nos amis francophiles. Oui j’aurais pu reprendre le langage de nos porte-paroles qui aspirent à vivre strictement en français 7x24x365. Comme si s’enfermer dans un ghetto linguistique était désirable, tel celui des anglos de jadis du West-Island (Montréal). Comme si nous n’étions pas appris depuis…
Non je ne voulais pas non plus les mettre en garde devant les difficultés que “Vivre en milieu minoritaire” représentaient lorsque la plupart de ses amis, collègues, ou voisins travaillent et vivent à peu près exclusivement en anglais. Je ne voulais pas non plus parler de la langue de préférence utilisée par la prochaine génération, les entrepreneurs, les créateurs et les nouveaux arrivants dits “franco”, outre quelques exceptions capables de se maintenir en “expats” ou “citoyen du monde” avec peu d’attache locale. Difficile aussi de parler de “communauté” dans une grande métropole lorsque le coût de la vie, l’étalement urbain, l’individualisme, l’institutionnalisation, la démographie marginale et la bigarrure de nos origines linguistiques/culturelles représentent tous autant d’éléments d’aliénation. Il n’y a pas à s’étonner si nos espaces publics francophones sont mal occupés et s’y investir si difficile. La sphère privée francophone devient alors tellement précieuse, l’expérience, personnelle, et le non-dit, vital!
En bout de ligne, le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein? Ou encore y-a-t-il verre à comparer lorsque la grille de comparaison du milieu majoritaire pour laquelle nous sommes conditionnés est tellement différente pour le milieu minoritaire? Y vivre est une expérience précieuse difficile à partager, sinon apprécier justement.