Parlons médias…
Le cri de colère “Speak white” a marqué l’Histoire récente des Amériques. En partance du Canada, du Québec et de Montréal, le jeune cinéaste Jean-Claude Labrecque avait alors saisi sur pellicule pour l’Office National du Film (l’ONF) la prestation percutante de l’auteure, Michèle Lalonde, lors d’une “nuit de poésie”.
Le poème constituait un appui dit tacite au livre « Nègres Blancs d’Amérique » de l’écrivain révolutionnaire Pierre Vallières devant l’ordre établi. Peut-on se demander 40 ans plus tard comment le coup de cœur s’exprimerait-il aujourd’hui? A partir d’où? Sur quel média? Comment serait-il diffusé? Et qui au juste a pris la relève de l’ordre du jour?
Parlons-nous donc de “Parlons Médias”, le sondage qui “visera à mieux connaître les besoins et les attentes des communautés francophones canadiennes en situation minoritaire à l’égard des divers médias qui les informent et les divertissent. Que lisent les membres de ces communautés? Qu’écoutent-ils? Qu’espèrent-ils et que pensent-ils des médias qui les desservent dans leur langue? Les réponses à ces questions permettront aux médias communautaires d’améliorer leur contenu et de mieux se positionner dans leur marché.” Le sondage sera mené cette automne par l’Alliance des médias minoritaires de langues officielles sous l’égide de Ministère du Patrimoine canadien, vraisemblablement en soutien à la prochaine demande de financement.
Rappelons d’abord que la dernière consultation publique pan-canadienne menée sous l’égide de Patrimoine canadien n’avait recueilli qu’une centaine de participants, à peu près le même nombre de groupes d’intérêt qui se positionnaient en vue d’un plan d’action aux langues officielles engageant des dépenses de plus de $600 millions pour cinq ans. Nos médias avaient alors été incapables de couvrir, à peu près tout se passant sous huis-clos avec des «porte-paroles» soigneusement choisis par Patrimoine. Le rapport final avait retenu “mettre des x” dans certaines parties du pays, question de sauver les meubles pour mieux s’investir là où il y avait toujours de l’espoir. Pas plus s’en est suivi. Peut-on questionner la pertinence “d’améliorer les contenus et de mieux se positionner dans le marché” après qu’il y ait eu tant d’indifférence pour une “consultation” antérieure pourtant beaucoup plus importante?
Comment réussiront-ils maintenant à rejoindre qui que ce soit lorsque notre environnement médiatique est si mal en point? Les indicateurs de vitalité de courriers de lecteurs, de rétroactions web et de niveaux d’activités sur les médias sociaux demeurent anémiques sinon inexistants à ce jour. L’annonce du sondage sur les médias sociaux, la dernière chance de ratissage franco, a généré tout autant d’intérêt, i.e. zilch. Comment pensent-ils *véritablement* rejoindre des gens qui ont abandonné depuis longtemps leurs médias francophones? Ne savent-ils pas déjà à partir des statistiques du web que des contenus bonbons ne nourrissent pas, que des contenus doivent nous engager lorsque tort nous est causé ou encore des contenus imbuvables ne devraient pas nous être présentés comme des exemples à suivre, peu importe le copinage. L’humoriste québécois Marc Labrèche ne s’est certes pas gêné pour signaler le navet TV de “C’est ça la vie”. Nos médias n’ont pas même été capables de relever le délire de projet d’une télévision francophone pan-canadienne proposée par “La Fondation canadienne pour le dialogue des cultures” pour consacrer nos retards et ainsi continuer à ignorer la dysfonctialité choquante entre Radio-Canada et CBC, pour les moindrement métissés anglo/franco. Faut-il s’étonner de la part de gens qui ne sont toujours pas branchés en 2010 qu’une “Ottawa-isation” des nouvelles, affaires publiques et autres contenus maintenant que sa Montréalisation semble désamorcée: la revue de presse “nationale”, les “Carnets de Christian”, et le toujours imbuvable “C’est ça la vie” sur un médium … mort.
Grosso modo, s’approprier tous les nouveaux budgets sous de belles intentions, ce que la même gang fait depuis une éternité avec les “Rendez-vous de la Francophonie”, la tournée du Francodome lors du 400ième de Québec, ou plus récemment sur le Centre de la Francophonie des Jeux Olympiques. Quelques miettes sont laissées en régions dans le dernier cercle de copinage. Faut-il s’étonner que nos fédérations de médias communautaires désirent maintenant tenir et contrôler un sondage plutôt que d’engager un véritable dialogue avec les éléments les plus motivés de ce qui reste de sa base utilisant la recette pourtant bien démontrée des médias sociaux? Qu’est-ce que la firme québécoise de sondage Léger Marketing peut bien y faire, autrement que prétendre que tout va bien dans le meilleur des mondes et encaisser le chèque comme tous les autres, bien qu’il n’y ait plus personne vraiment là.