Sénateur Mobina Jaffer : Au cours des 15 dernières années, la guerre civile qui fait rage en République démocratique du Congo a coûté la vie à plus de 5 millions de personnes, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier depuis la Deuxième Guerre mondiale. Tous les mois, 45 000 personnes meurent en raison de ce conflit; au Congo, quatre femmes sont victimes de viol toutes les cinq minutes. Bien que les enfants ne représentent que 19 % de la population, ils comptent pour 47 % des décès. C’est pourquoi la guerre au Congo est souvent considérée comme une guerre contre les femmes et les enfants.
La triste réalité, c’est que le monde est un endroit menaçant. Tous les jours, des hommes, des femmes et des enfants sont forcés de quitter leur foyer pour fuir la torture et la persécution perpétrées pour des raisons culturelles, politiques ou religieuses. Je suis de tout cœur avec ceux qui recherchent désespérément un refuge, un asile, et je comprends leur douleur et leur détresse, car j’ai moi aussi vécu ce qu’ils ont vécu.
Il y a 40 ans, ma famille et moi-même sommes arrivés au Canada, recherchant désespérément un refuge loin de l’Ouganda d’Idi Amin. Nous avions tout perdu. Nous étions apeurés, désespérés et démunis, ne possédant plus rien à part les vêtements dont nous étions vêtus. Même si nous avions été forcés de quitter la seule maison que nous avions jamais connue, nous avons eu énormément de chance. Le gouvernement et le peuple canadiens nous ont chaleureusement accueillis, ainsi que des milliers d’Asiatiques de l’Ouganda. Je leur en serai toujours reconnaissante.
Malheureusement, avec l’adoption récente du projet de loi C-31, Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, mes frères et sœurs africains qui vivent dans des circonstances très difficiles n’auront pas la chance que ma famille et moi avons eue.
En tant que porte-parole libérale chargée d’analyser ce projet de loi, j’ai lutté sans relâche pour démontrer que non seulement ce projet de loi est inconstitutionnel et contraire aux obligations internationales du Canada, mais qu’il cible aussi injustement les réfugiés légitimes, les demandeurs d’asile et, surtout, les enfants.
Le projet de loi C-31, qui est devenu loi, puisqu’il a été adopté par la Chambre des communes et le Sénat, entache le système canadien d’immigration et de protection des réfugiés, un système qui faisait autrefois la fierté des Canadiens.
L’adoption de ce projet de loi compromet plusieurs principes qui, des décennies durant, nous ont définis en tant que Canadiens. Les principes de justice, de compassion et de tolérance qui font partie intégrante de notre identité canadienne ont été mis de côté, et voilà que les peuples les plus vulnérables du monde devront en payer le prix.
À cause de ce projet de loi, une jeune Congolaise de 17 ans qui arriverait au pays serait d’abord détenue dans un centre de détention semblable à une prison, pendant une période pouvant atteindre six mois. S’il est ensuite établi qu’elle est une réfugiée légitime qui, comme bien des femmes au Congo, fuit désespérément le viol, la violence et la torture, nous la forcerons à attendre encore cinq ans avant de pouvoir faire une demande de résidence permanente. De plus, elle sera forcée d’attendre cinq ans avant d’être réunie avec ses proches et les membres de sa famille. Si la jeune fille est enceinte au moment de son arrivée, nous lui refuserons également les soins néonataux et autres soins de santé de base dont elle pourrait avoir besoin. Il ne s’agit certainement pas d’un système dont les Canadiens peuvent être fiers.
Maintenant que le sort du projet de loi C-31 est scellé, je me préoccupe grandement au sujet de mes frères et sœurs africains qui recherchent désespérément un asile. Je constate avec une grande tristesse que le pays qui a accueilli ma famille il y a 40 ans tourne maintenant le dos aux populations les plus vulnérables du monde.