Part II
3. Des voies de solutions à l’intégration socioprofessionnelle
Après avoir passé en revue les défis majeurs qui empêchent l’intégration socioéconomique des immigrés africains, il s’avère utile, à présent, de réfléchir à des voies de solutions susceptibles de faciliter leur intégration effective dans le pays d’accueil.
A cet égard, nous en avons choisi cinq qui nous semblent les plus pertinentes, à savoir : la conversion mentale et culturelle, la bonne conscience de son identité, l’ancrage social, le culte de l’excellence et la solidarité entre les membres de la diaspora africaine. Nous allons, à présent, aborder chacune de ces voies de solutions dans les lignes suivantes.
3.1. La conversion mentale et culturelle
Pour mieux s’intégrer dans la nouvelle société d’accueil, les immigrés africains sont tenus avant tout de rompre avec certaines attitudes traditionnelles qui les fragilisent et les mettent en marge de la société d’accueil. Il s’agit, entre autres, de la soumission à l’autorité, de l’esprit de fatalité, de l’effacement et de l’attitude amorphe face aux multiples obstacles qu’ils rencontrent.
Outre la nécessité de conversion mentale et culturelle, il est indispensable pour les immigrés africains de connaître parfaitement leurs droits et leurs devoirs avant d’entreprendre n’importe quelle démarche visant l’intégration socioprofessionnelle. C’est un préalable qui permet à tout être humain, en général, de mieux défendre ses droits chaque fois qu’ils sont violés. Or, personne ne peut défendre ses droits lorsqu’il ne les connaît pas.
De plus, on ne peut défendre ses droits lorsqu’on adopte une attitude de résignation et de soumission à l’autorité. Précisons, du reste, que chez bon nombre d’Africains, on confond souvent la soumission et le respect vis-à-vis de l’autorité pour des raisons purement culturelles. C’est ainsi que chaque fois que ces derniers sont lésés dans leurs droits, ils n’osent pas porter plainte contre une autorité quelconque faute de courage et d’estime de soi.
3.2. La bonne conscience de son identité
Il est vrai que l’estime de soi va de pair avec la bonne conscience de son identité. En d’autres termes, les immigrés africains doivent être fiers de leurs cultures, de leurs origines et de leur histoire, si tragique soit-elle. C’est en s’acceptant tel qu’ils sont qu’ils pourront vaincre l’effacement et le complexe d’infériorité chaque fois qu’ils seront confrontés à des obstacles de toutes sortes.
3.3. L’ancrage social
Selon la définition de l’Abbé François Kibwenge, le concept d’ancrage social est « une présence qualitative dans un milieu donné, qui permet d’impacter son environnement en se faisant remarquer par des bonnes actions, une bonne conduite et dans des bonnes causes » (7).
Concrètement, l’ancrage social consisterait, à notre avis, à affirmer son sentiment d’appartenance à la société d’accueil, d’une part, et à exercer légalement son devoir citoyen en prenant part aux activités sociales et politiques, d’autre part. Un immigré qui vit en demi-citoyen se rend inévitablement vulnérable en tous points de vue. Et du coup, son intégration effective ne pourra jamais se réaliser.
3.4. Le culte de l’excellence
Pour mieux s’intégrer dans la société d’accueil, les immigrés africains ont intérêt à se distinguer par la qualité de leur conduite, d’une part, et par le culte de l’excellence dans leurs actions quotidiennes, d’autre part. De même, ils doivent sortir des chemins battus et de l’anonymat.
Il est grand temps, du reste, que les intéressés sortent de la mentalité des « aliénés économiques » et des « assistés permanents » pour se battre ensemble, main dans la main, afin d’assumer leur place dans toutes les sphères aux enjeux déterminants pour leur avenir au Canada.
3.5. La solidarité entre les membres de la diaspora africaine
Les immigrés africains ont intérêt à cultiver l’esprit de solidarité entre eux, car, selon la devise belge, l’union fait la force. Le combat mené de façon isolée, l’égoïsme, la dispersion des forces et le transfert des conflits inhérents aux pays d’origine dans les pays d’accueil sont autant d’attitudes négatives qu’il faut bannir à jamais, car elles fragilisent davantage la diaspora africaine.
Pour ce faire, il s’avère impérieux que les intéressés créent des réseaux sociaux au sein de leur communauté afin de s’entraider et d’échanger des informations utiles. En effet, les autres communautés immigrantes – entre autres les Arabes et les Asiatiques – ont compris très tôt les bienfaits de la solidarité et des réseaux sociaux entre les membres de leurs diasporas respectives(8). Par conséquent, ils se font respecter aujourd’hui et se taillent une bonne place au sein de la société canadienne.
En définitive, l’intégration socioprofessionnelle des immigrés africains au Canada est, certes, jalonnée de plusieurs défis non moins importants qu’il faut relever coûte que coûte. Pour cela, il faudrait s’armer de patience et de courage à toute épreuve, car il existe bel et bien des voies de solutions appropriées – notamment celles que nous avons évoquées ci-haut – pourvu qu’on s’en serve à bon escient.
En effet, ces dernières ont été adoptées et mises en œuvre, depuis bien longtemps, par d’autres communautés immigrantes au Canada. Puis, après un certain temps, leurs résultats se sont révélés très efficaces pour tous leurs membres. Il faudrait, par ailleurs, que les immigrés africains prennent conscience de leurs faiblesses et de leurs lacunes avant d’entreprendre toute démarche visant l’intégration socioprofessionnelle. Cela permet, dans tous les cas, de mieux rechercher des éléments de force pour assumer son avenir sans complexe et sans tergiversation.
C’est à ces conditions, nous semble-t-il, que l’intégration socioprofessionnelle pourra, enfin, devenir une réalité pour tous les membres de la diaspora africaine. Ainsi, le Canada tout entier en profitera sans aucun doute dans la mesure où chaque communauté immigrante est censée apporter sa pierre angulaire pour bâtir une société multiculturelle, solidaire et respectueuse des droits de tout un chacun(9).
Références bibliographiques :
1) Statistique Canada, Enquête nationale auprès des ménages, 2011.
2) Ministère québécois de l’immigration et des communautés culturelles (MICC) : Institut de la statistique du Québec, 2011.
3) Haan, M. (2012) : « Les expériences des nouveaux Canadiens sur le plan du logement : d’après l’enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada (ELIC) », Université du Nouveau-Brunswick.
4) Belhassen, A. (2009) : « La reconnaissance des diplômes et des compétences : difficultés et impacts chez les femmes immigrantes », Département de sociologie, UQAM, Montréal.
5) Mbele, Ch. R. (2007) : « Pour une critique de l’afro-pessimisme et de l’afro-dénigrement dans le discours dit « postcolonial » in « L’image de l’Afrique dans les littératures coloniales et postcoloniales », Paris, L’Harmattan.
6) Béji, K. (2010) : « Intégration socioprofessionnelle des immigrants récents au Québec : le rôle de l’information et des réseaux sociaux », Département des relations industrielles, Université Laval, Québec.
7) Kibwenge, F. (2013) : « L’accession de Joseph (Genèse 39-41) et Daniel (Daniel 1-5). Enjeux pour l’intégration et l’engagement politique de la diaspora d’ici », in revue du Cerclecad « Afroscopie », 2013, L’Harmattan.
8) Helly, D. (2009) : « Insertion professionnelle d’immigrants et réseaux sociaux : le cas de Maghrébins à Montréal et Sherbrooke », in revue « Cahiers canadiens de sociologie », vol. 34, n° 2, pp. 373-402.
9) Agence de presse Médiamosaïque (2011) : « Lancement du groupe IB2IB : entrevue avec Patricia Rimok, présidente des relations interculturelles au Québec ».
A propos de l’auteur : Dr. Juvénal Barankenguje est spécialiste en sociolinguistique et en didactique du français langue seconde. Depuis une vingtaine d’années, il est à la fois chercheur et professeur de français langue seconde. Après avoir successivement exercé les fonctions de professeur de français, d’inspecteur pédagogique de français et de proviseur d’un lycée au Burundi, il a poursuivi en France ses études de Maîtrise et de Doctorat. Puis, il a enseigné le français langue seconde au Département de français de l’Université Simon Fraser (Vancouver) de 2009 à 2012. A partir de 2012, il réside dans la région d’Ottawa-Gatineau, où il enseigne le français langue seconde à des fonctionnaires fédéraux, à des immigrants anglophones et à de jeunes étudiants inscrits à la Cité Collégiale et au Collège Algonquin. De plus, il participe à des actions bénévoles au sein d’associations et organismes à but non lucratif. Notamment « Développement et Paix », « Oxfam » et « Le Repère Francophone ».