Nous ne devons pas abandonner les enfants de la République centrafricaine
Par Senator Mobina Jaffer
Le jeudi 15 mai 2014, j’ai assisté à une réunion organisée par l’UNICEF pour discuter de la situation qui prévaut en République centrafricaine. Le représentant de l’UNICEF, Souleymane Diabaté, a fait une présentation qui a ébranlé tous les parlementaires et les employés du Parlement présents dans la salle :
Je travaille avec l’UNICEF depuis 20 ans et je n’ai jamais rien vu de pareil à ce qui se passe en République centrafricaine. Les enfants sont directement visés par des attaques violentes; ils sont parfois décapités. Des garçons et des filles sont recrutés par les groupes armés comme enfants-soldats ou pour être exploités sexuellement, et des enfants sont témoins d’une violence inimaginable. — Souleymane Diabaté, représentant de l’UNICEF pour le pays, République centrafricaine.
La déclaration de M. Diabaté révèle que la République centrafricaine est sur le point de basculer dans la guerre. Les circonstances sont encore plus inquiétantes quand on sait que 50 % de la population centrafricaine a moins de 18 ans. C’est donc 2,3 millions de jeunes qui continuent d’être touchés par ce conflit. Ils sont exposés à des atrocités dès leur plus jeune âge et doivent vivre dans ce conflit pendant leur adolescence. Certains sont forcés de quitter leur foyer et d’autres sont aspirés dans la spirale de violence.
On estime que 6 000 enfants-soldats participent activement au conflit. Ces enfants reçoivent un fusil et sont précipités dans les circonstances les plus traumatisantes qu’on puisse imaginer. Certains subissent un lavage de cerveau afin de pouvoir commettre des actes d’une atrocité incroyable. Le viol contre les femmes et les filles est monnaie courante et sert à terroriser les collectivités et à anéantir les familles. Les enfants sont exposés à des gestes barbares et épouvantables qui provoqueront des traumatismes sévères chez eux lorsqu’ils seront de jeunes adultes.Nous croyons tous que l’éducation est la clé pour combattre la violence et bâtir une société durable.Malheureusement, pour les enfants centrafricains, le conflit les empêche de fréquenter l’école. La plupart des enseignants sont en effet trop effrayés pour enseigner et l’instabilité nuit à leur habileté à éduquer. Au cours des deux dernières années, presque toutes les écoles en République centrafricaine ont été fermées, car les groupes rebelles utilisent les écoles pour cibler les enfants. Les chefs rebelles savent qu’il est plus difficile de convaincre un enfant éduqué de joindre leur cause. L’innocence de la jeunesse de ce pays a été volée de manière systémique et peu la retrouveront.
Lorsque j’étais l’envoyée du Canada au Soudan, j’ai visité le Darfour au plus fort de la crise. J’ai rencontré des mères dont les enfants étaient touchés par la crise et qui voulaient me remercier pour l’aide du Canada à l’UNICEF. Les paroles d’une mère sont restées gravées dans ma mémoire : Lorsque vous donnez de l’argent pour éduquer nos enfants dans les camps, vous donnez à nos enfants un but dans la vie, même dans ces circonstances désespérées.
Malgré ses ressources limitées, l’UNICEF a réussi à établir des classes temporaires pour environ 25 % des enfants touchés. La plupart de ces classes sont destinées aux 600 000 personnes déplacées en République centrafricaine. L’UNICEF fait tout en son pouvoir pour aider ces jeunes dans la région et redonner un semblant de normalité à leur vie. Elle le fait malgré l’absence de sécurité et des ressources insuffisantes pour atteindre ses objectifs.
La France est venue au secours de la République centrafricaine : elle y a envoyé des soldats sur le terrain. D’autres pays alliés ont promis une aide, mais peu y ont donné suite. En tant que citoyen du monde et pays francophone, le Canada a encore une faible chance d’aider ce pays dont les besoins sont si criants. Le temps est venu de prendre la parole et d’utiliser notre influence dans la communauté internationale pour stimuler le changement. Il nous faut admettre que, faute d’intervention, la République centrafricaine s’enfoncera dans le chaos et que c’est la jeunesse de ce pays qui en paiera le prix. Comme l’a dit M. Diabaté, si nous ne faisons rien aujourd’hui, cette génération sera perdue à tout jamais.