Par Germain Tanoh, PhD, The Afro News Vancouver
Dans l’entendement de plusieurs personnes, l’intégration est synonyme de trouver un travail et avoir un certain confort social. C’est autour de cette définition que gravitent la majorité des actions des pouvoirs politiques en direction des immigrants. Les services gouvernementaux canadiens déploient d’énormes moyens pour soutenir cet effort d’intégration en créant des programmes d’aide à la recherche d’emploi pour immigrants. Cependant, les résultats sur le terrain restent très peu encourageants. Le taux de chômage parmi les immigrants reste très élevé par rapport à celui des canadiens nés au Canada.
L’erreur que commettent la plupart des immigrants est de croire que l’intégration s’arrête une fois qu’ils sont installés dans un bureau bien meublé. En fait, c’est là que le plus dur commence. Avant l’immigrant était dans sa zone de confort culturel, maintenant il doit interagir avec des gens qui, pour la plupart, ignorent tout de lui. Un ami, cadre dans une entreprise Canadienne, me faisait part de sa frustration au travail. Malgré ses plusieurs années d’expérience et ses compétences avérées dans son domaine, il s’est vu refuser une promotion en faveur d’une nouvelle recrue qui, de surcroît, il avait contribué à former. En approfondissant la discussion, je me suis aperçu que ce dernier avait du mal à sympathiser avec ses collègues de bureau. Il préférait la compagnie de son collègue originaire du même pays que lui. La peur d’être jugé ou d’être vulnérable sont les principales raisons qui le maintenaient loin des autres. C’est vrai que s’ouvrir aux autres c’est courir le risque d’être vulnérable. Mais ce n’est pas une tare, au contraire, c’est ce qui nous rend humain. Quelles sont les réflexes et les attitudes qui peuvent nous garantir une véritable intégration? Pour mieux répondre à cette question, il est important de s’entendre sur le sens réel du mot intégration.
Moussa Magassa, enseignant à l’Université de Victoria, était l’invité du Café de l’Intégration du mois de septembre 2010. Il a réussi, grâce à une approche dont lui seul détient le secret, à faire ressortir le sens pratique des concepts d’inclusion et d’intégration. Voici ce qui s’est dégagé de la discussion avec Moussa: L’inclusion signifie tu es parmi nous, mais tu ne comprends pas nécessairement ce qui se passe. L’intégration veut dire tu es avec nous, tu amènes du tien et tu participes. On voit ainsi que l’intégration est plus un comportement qu’un simple mot. A la lumière de cette définition, il se dégage trois comportements que devrait cultiver l’immigrant s’il veut vivre confortablement dans la société Canadienne:
1. Abandonner la position de victime pour adopter celle de conquérant et de bâtisseur : La nouvelle définition de l’intégration nous amène à revoir nos attitudes et à voir l’intégration sous un nouvel angle. Désormais, pour paraphraser l’ancien Président américain John Kennedy, la question n’est pas de savoir qu’est-ce que le Canada peut faire pour moi (ou ce que le Canada n’a pas fait pour moi), mais plutôt qu’est-ce que je peux faire pour le Canada. Pour mémoire, le Canada fait appel aux immigrants pour qu’ils viennent l’aider à faire face aux défis auxquels il est confronté. Ses défis représentent des opportunités et nous sommes dans un pays d’opportunités. Ceux qui ont le sens d’initiative y trouveront leur place. Il y a certainement beaucoup de choses qui restent à faire pour améliorer le quotidien des Canadiens.
2. Travailler à bâtir son capital social : Nouer des contacts et apprendre à vivre en bonne intelligence à l’intérieur de sa communauté et avec les autres communautés. Le poids de son réseau a son pesant d’or dans l’intégration de l’immigrant. Ici au Canada comme ailleurs, on embauche ou on fait les affaires avec les gens avec qui on a des affinités et dont on apprécie la compagnie. Le recrutement se fait souvent dans le cercle restreint de nos connaissances, surtout lorsqu’il s’agit des postes très bien payés ou des hauts postes de responsabilité. Le nouvel arrivant doit bâtir son capital social en prenant le risque de s’ouvrir et d’approcher les autres. Surtout éviter de rester dans son coin, phénomène très souvent observé dans la communauté africaine. Les occasions pour rencontrer les gens et nouer des liens d’amitié ne manquent pas. On peut citer les rassemblements de cultes religieux, les évènements sportifs et culturels, les pique-niques de quartier, les séminaires et conférences d’associations professionnelles ou culturelles, les centres communautaires, le campus et les salles de classe des collèges et des universités.
3. S’adapter au changement et ne pas se lasser d’apprendre: Le Dr. Michel Kouadio, invité du Café de l’Intégration du mois de juin 2010, disait : « Il faudra à un ingénieur de la NASA, l’agence spatiale américaine, réacquérir voire développer de nouvelles facultés et aptitudes, s’il veut vivre dans les mêmes conditions que les populations locales de la jungle amazonienne ». Dans ce cas de figure, l’expert de la NASA est naturellement défavorisé face aux populations locales qui s’y sont installées depuis des siècles et ont appris à développer une symbiose avec leur environnement et maîtrisent parfaitement les mystères de leur milieu de vie. L’adaptation c’est aussi le respect des lois et coutumes de la société canadienne; l’abandon de comportements stéréotypés qui, à tort ou à raison, pénalisent ceux ou celles qui ont la volonté d’aller de l’avant. Pour réduire les frustrations, il incombe à l’immigrant de mieux connaître les mœurs et les habitudes socioculturelles de sa nouvelle terre d’accueil. Cette démarche ne doit pas être vue comme une contrainte, elle doit s’inscrire dans un désir perpétuel d’apprendre et d’être parmi les meilleurs.
A propos de l’auteur : Germain Tanoh est consultant chez Quantimal Consulting. Il est très actif comme bénévole et leader dans de nombreuses organisations civiques et communautaires. Notamment Le Repère Francophone dont il est le Président et Co-fondateur. Il peut-être joint au gtanoh@lerepere.ca ou www.lerepere.ca