Marc Garneau, Député de Westmount-Ville-Marie
Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, C.D. Howe, un homme politique canadien, a présenté un grand projet de société pour transformer le Canada en une puissance industrielle de premier plan dans la seconde moitié du XXe siècle. Anticipant l’avenir, il a commencé à créer les industries nucléaire et aérospatiale du Canada, ainsi que l’infrastructure essentielle nécessaire pour bâtir une économie prospère et dynamique.
Aujourd’hui, le monde continue d’évoluer rapidement et un nouveau grand projet de société est nécessaire. Internet est devenu un outil essentiel de la nouvelle économie, l’autoroute essentielle pour transférer l’information. La connaissance et la créativité sont les denrées les plus prisées et les moteurs de plus en plus puissants de l’économie canadienne.
L’économie numérique ne connaît pas de limites, et le monde entier investit massivement pour saisir l’opportunité. L’Australie a consacré un ministère fédéral tout entier aux communications à haut débit et à l’économie numérique, dans un effort pour établir un leadership technologique. Le Royaume-Uni, avec sa stratégie « Digital Britain » (« la Grande-Bretagne à l’heure du numérique »), met au point la prochaine génération d’infrastructure numérique : connectivité par fibre optique, sans fil, radiodiffusion. En outre, ce pays s’engage en faveur d’une connectivité à 100 % à une vitesse de 2 mégaoctets/seconde, et met en place un système où la concurrence joue pour encourager l’investissement dans les réseaux de prochaine génération. Le Royaume-Uni comprend que l’avenir, c’est le monde numérique, et il est déterminé à y arriver en premier.
En 2001, le Canada se classait 2e au niveau mondial en matière de connectivité à Internet, mais il est maintenant tombé au 10e rang, et il est 28e sur les 30 pays les plus industrialisés en termes de coûts de l’internet sans fil.
Où s’en va le Canada ? Tout comme les grands projets de C.D. Howe pour le XXe siècle, il nous faut une nouvelle vision concernant l’infrastructure numérique du XXIe siècle. L’an dernier, Tony Clement, le ministre de l’Industrie, a organisé un forum sur l’économie numérique : c’était un bon spectacle mais il n’en est pas ressorti grand-chose. Où le Canada se situe-t-il sur le plan de l’engagement en faveur de la connectivité et de l’accès universel ? Où en est le gouvernement sur les questions de neutralité du Web et de propriété intellectuelle ?
Le mois dernier, le ministre Clement a défendu sa décision d’annuler la décision du CRTC concernant le fournisseur de services de téléphonie cellulaire Globalive parce que cela accroîtrait la concurrence du marché sans fil. Pourtant, le même jour, il a pris deux autres décisions qui ont restreint la concurrence dans les services d’Internet et qui ont limité les incitations commerciales à investir dans l’infrastructure numérique. D’abord, le ministre a refusé l’accès au marché en gros des lignes Internet déjà en place aux nouveaux fournisseurs d’accès à Internet (FAI), puis il a annulé une décision du CRTC qui aurait imposé des vitesses égales pour les petits FAI régionaux.
De plus, la décision du gouvernement à l’égard de Globalive a fondamentalement changé les lois canadiennes sur la propriété étrangère. Le gouvernement a manifestement pris ces décisions pour des raisons d’opportunisme politique et pour essayer de réparer les dégâts causés par une procédure bâclée de vente aux enchères de bandes de fréquences, au lieu de les prendre dans le cadre d’une politique d’infrastructure numérique cohérente.
Afin de créer de nouveaux emplois et de bâtir des communautés florissantes au cours du XXIe siècle, le Canada doit saisir l’avenir et investir dès aujourd’hui. Dans son ambition de bâtir l’infrastructure du XXIe siècle, le Canada doit se donner l’objectif ambitieux d’être connecté à 100 %, y compris les communautés rurales et éloignées. Pour cela, il nous faut créer des conditions de concurrence qui favorisent les investissements dans les réseaux à fibres et sans fil de la nouvelle génération. Il faut aussi réformer nos lois afin d’assurer que l’Internet reste une plate-forme libre et ouverte d’échange d’idées. Il faut créer un milieu prospère qui ouvre la voie à l’innovation mais qui protège aussi le travail des créateurs. Et il faut constamment faire évoluer nos institutions culturelles, de radiodiffusion, de télédiffusion et de communications.
La technologie change notre monde. Les Canadiens ne regardent plus les émissions uniquement à la télévision, mais aussi sur Internet et sur leurs appareils mobiles. Tout en respectant le contenu canadien et les liens culturels qui unissent notre pays par l’entremise de la radio, de la télévision et d’autres médias, nous devons nous aussi évoluer si nous voulons continuer à prospérer.
L’économie numérique forme et continuera à former une partie importante de notre économie, des emplois d’aujourd’hui et de demain, et changera l’essence de la société canadienne. D’ici à notre conférence de Montréal en mars, mon parti s’attaquera aux enjeux de la transformation de notre société, tels que celui-ci. C’est ce qu’il faut faire afin de nous assurer que le Canada reste une nation prospère, diverse et créative. J’encourage tous les Canadiens à se joindre à nous pour participer à cette discussion.