À quoi bon?
Les britanno-colombiens intéressés à la présence du français dans nos espaces publics apprenaient récemment une interruption de la parution papier du journal de l’Express du Pacifique. À en juger par le contenu et les chiffres de distribution, le journal semblait se financer depuis longtemps à peu près exclusivement de publicités d’agences gouvernementales. La grève des postes et un “besoin de restructuration” étaient invoqués pour justifier la mise-à-pied de la petite équipe qui s’affairait au journal. Les chèques ne rentreraient apparemment plus?
Radio-Canada Colombie-Britannique a bien couvert la triste nouvelle mais peu d’intérêt s’est manifesté à en juger par le manque de rétroactions web ou autres commentaires sur les médias sociaux. Pas plus d’intérêt sur le site même de l’Express en réponse à l’avis d’interruption. Quant aux “courriers de lecteurs”, difficile de savoir, puisque le journal ne parait plus, quoique leur publication était plutôt rare…
Je me suis retrouvé encore une fois seul à commenter sur la perte de ce qui est pourtant le seul journal francophone en Colombie-Britannique. Le premier d’ailleurs qui jadis publiait ma chronique de l’internet britanno-colombien. Je commentai donc sur le manque d’intérêt flagrant que suscitait la nouvelle d’intérêt public. Quelqu’un répondit en me demandant si je pensais vraiment que les francophones s’en foutaient. Je répondis oser espérer que non, que beaucoup regrettaient bien sûr une telle perte mais ne savaient que faire devant un autre coup dur sur la présence tellement précaire du français dans nos espaces publics.
Cela quelque jours seulement après que le ProjetJ.ca ou “Observatoire du journalisme” publiait en ligne les résultats d’une thèse de maîtrise en communication à l’Université d’Ottawa dans laquelle des lecteurs du quotidien provincial L’Acadie Nouvelle, estimaient que “le journal doit les représenter, les rassembler et combattre pour la cause du français, trois rôles qui diffèrent selon eux du rôle des médias anglophones de la province.” Certains se rappelleront que l’Express abandonnait jadis un tel mandat communautaire en raison de ressources additionnelles nécessaires pour assumer un tel mandat, d’autant plus qu’elles étaient non exigées par les commandites d’agences gouvernementales.
D’autres se rappelleront l’interruption de l’émission radiophonique “La Palabre” jadis animée par notre éditeur du TAN sur les ondes de Fairchild Radio. La triste nouvelle n’avait toutefois pas fait l’objet de couverture d’autres médias et avait suscité similairement peu d’intérêt. Il s’agissait pourtant d’une voix unique qui occupait un espace public important et rejoignait une clientèle d’expression francophone.
Quoi faire dans les circonstances n’est jamais évident. Mais partager notre désarroi dans ce qui reste de nos espaces publics semble certes plus approprié à ce moment-ci que ce langage bureaucratique de “restructuration”. En bout de ligne, de quoi se demander si ces commandites d’agences gouvernementales ont vraiment aidé. Se défaire de ces bureaucraties ringardes qui nous tuent à petit feu ne nuirait certes pas. À quoi bon?
En terminant, l’auteur tient à remercier The Afro-News pour maintenir un des derniers espaces publics francophones britanno-colombiens en parution papier!