2009 marquait le quarantième anniversaire du régime canadien des langues officielles, événement plutôt terne comme si la conversation suivante avait eu lieu :
« Yawn, oh hum. Not tonight dear, I have got big games coming up! »
« Que je suis donc tannée de la position du “missionnary” »
« I will make it up dear and will take you out for dinner sometimes »
Fallait quand même pas s’attendre aux effervescences du 10ième anniversaire du sommet altermondialiste de Seattle. Ou celles du démantèlement du mur du Berlin d’il y a 20 ans ou encore aux éclats du 400ième de Québec avec Sir Paul, la reconstitution de la célèbre bataille et le moulin à images. Sans comparaison avec l’essoufflement conjugal par lequel les francos et anglos établissaient jadis de nouveaux rapports linguistiques au Canada sous le règne de Pierre Elliott Trudeau.
Convenons en : le sujet des langues officielles est plate à en mourir et personne n’y prête attention … à moins d’une entrée en matière titillante. Faites l’essai suivant : mentionnez le sujet lors de votre prochaine rencontre sociale et observez la réaction. Les gens vous regardent-ils comme si vous étiez dérangé? Leur regard indique-t-il que vous venez d’aborder l’inceste? Certains hochements de tête vous rappellent-ils vos premiers doutes au sujet de l’authenticité du Père Noël? Peu importe, il est probable que la conversation continuera comme si vous n’aviez absolument rien dit mais qu’on vous évite pour le reste de la soirée pour avoir imbibé. Répétez maintenant l’essai parmi l’autre majorité linguistique et comparez les résultats…
300 millions sont pourtant consacrés annuellement aux langues officielles. Un comité parlementaire et sénatorial s’y affaire régulièrement. Les principaux partis politiques se prétendent tous de forts adhérents. De plus, les Québécois s’inquiètent quasi quotidiennement maintenant de l’anglicisation de Montréal. Le refus de la Cour Suprême de sanctionner la loi 104 qui réparait une brèche dans la loi 101 était pourtant bien noté récemment, de même que les essoufflements de cette dernière sous la mondialisation.
Par ailleurs, la minorité linguistique francophone du Canada base la quasi-totalité de son financement sur ce programme gouvernemental allouant 1.5 milliard pour 5 ans. On penserait qu’en ces temps de réévaluation de nos institutions, qu’il y aurait intérêt lors d’un quarantième. Ou encore en préparation de Jeux Olympiques qui prétendent s’en appuyer. Mais non, vous aurez peine à trouver un commentateur dans nos médias officiels ou encore une tribune publique prête à en discuter. D’accord il y a les ti-casques habituels d’intolérance “red neck” et du côté franco quelques souverainistes en faisant la récupération d’usage, sans vraiment discuter quoi que ce soit ayant court hors-Québec.
Pour ceux qui ne peuvent éviter le sujet : il s’agit de “faire semblant”, un peu comme les francophones jadis lors de ces messes récitées dans la langue morte du latin ou la version améliorée en français. Mais gare à vous si vous remettez en question car vous passerez pour un hérétique. Le vide effraie en effet. Mieux vaut-il prétendre que la situation va en s’améliorant! Par exemple, la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) se “réjouissait” suite à la décision de la ville de Richmond d’afficher de façon permanente l’Anneau Olympique en français, cela après des menaces de coupure du fédéral au financement de la ville. Réjouissement similaire devant la décision de BC Tourism de finalement ajouter un accès à leur site web en français, après une multitude d’autres langues… Sans doute sur le point de se réjouir des progrès accomplis récemment à l’aéroport international de Vancouver, cela malgré 40 ans de régime de langues officielles!
Le ton “dead duck” montera un tantinet lorsque le commissaire aux langues officielles reconnaît les échecs systémiques de la francisation des employés de la fonction publique et que peut-être l’enseignement post-secondaire aurait dû former ces travailleurs en premier lieu, Ottawa pas même capable de tenir convenablement une cérémonie de flambeau. Lise Bissonnette, l’ex-témoin de la francophonie aux Jeux de Turin, s’étonnait que Vancouver ne se soit pas mieux préparé à ce jour compte-tenu des leçons apprises, tout en évoquant ses regrets devant l’anglicisation progressive du Québec. Et le nouveau grand témoin de se réjouir que les jeux de Vancouver produiraient un guide des bonnes pratiques… Tout cela dix ans après que Jean Chrétien, l’héritier de PET, ait reconnu devant une assemblée de la francophonie canadienne que l’assimilation était simplement un “fait de la vie”. Un autre sinistre anniversaire était incidemment laissé pour compte…
La porte-parole de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) suggérait plutôt à la suite d’un constat troublant qu’attribuer un rôle exécutoire au Commissaire sur la “mise-en-œuvre” suffirait. Année après année, ce dernier regrette le manque de leadership sur le sujet. Guess what now. Silence quasi-total suite à la sortie récente de la FCFA. Quarante ans de régime de langues officielles pour ce faire: non, ça ne bouge pas vite!
Le sujet des langues officielles étant vraisemblablement devenu de plus en plus difficile à éviter, peut-on se demander à qui attribuer l’apathie terminale des dernières années? Nos médias nous ont-ils complètement désengagés, fussent-ils citoyens, communautaires, publics ou privés? Est-ce la faute des citoyens pour ne pas s’être intéressés en premier lieu et ne pas avoir exigé mieux de cet environnement médiatique, francophone et anglophone? Est-ce la faute de la gouvernance de notre État pour avoir bâillonné le tout?
N’est-il pas temps pour les francophones vivant en milieu minoritaire inquiets de la situation de leur langue de remettre en cause cette position passive de “missionnariat” à la veille de ces Jeux??? Peut-être serviront-ils à de quoi, en bout de ligne…