Par Dr Charles Yaovi Mensah KOUMA : Nombreux sont encore de nos jours ceux qui formulent le vœu légitime de la création des Etats-Unis d’Afrique ou de l’avènement de la démocratie par des élections incontestables. Bien souvent considéré comme le pays de cocagne à atteindre et le sésame incontournable pour assurer puissance et bonheur aux Africains, ces deux préoccupations, qui peuvent figer certaines personnes dans une regrettable expectative stérile, laissent émerger une question fondamentale : en attendant des lendemains qui chantent, quelle attitude adopter face aux errements et stagnations de la construction de l’union africaine et aux fiascos constatés dans les processus de démocratisation des Etats ? Les réponses attendues ne seront pertinentes et efficaces que si elles tiennent compte de l’expérience déjà vécue. Nous nous proposons de faire l’état des lieux des difficultés majeures rencontrées avant d’en analyser les causes. C’est enfin en nous laissant guider par les finalités de la démocratie et du panafricanisme que nous pourrons proposer au suffrage des lecteurs quelques réflexions sur des approches de solution : la fondation d’une authentique structure politique panafricaine profitable pour les Africains exige que ces derniers aient au préalable la capacité économique et technique de financer, de maîtriser et de maintenir le contrôle son exécution. Et c’est là que se profile la nécessité de changer de mentalité et de réviser les programmes éducatifs et culturels.
Etat des lieux : stagnation de l’union africaine et fiascos de la démocratie
Les pays africains, dans leur majorité, ne sont pas encore démocratiques et le panafricanisme militant, sur lequel comptent encore les indécrottables afro-optimistes, marque le pas.
C’est un truisme de dire que les errements de l’OUA, alors perçu par ses détracteurs comme le syndicat des chefs d’Etats Africains, et les enlisements ou atermoiements de l’UA dans son projet de constitution d’un gouvernement continental, sont dus aux divergences de leurs décideurs. En 1963, alors que le père du « conscientisme » prônait une fusion des Etats indépendants et la création immédiate d’un gouvernement unique devant diriger toute l’Afrique pendant l’une des périodes les plus tendues de la guerre froide, Houphouët-Boigny, L.S. Senghor et la majorité des chefs d’Etats réunis à Addis-Abeba, ont préféré la coopération entre Etats avec interdiction de toucher aux frontières héritées de la colonisation. Avec la fondation de l’UA, les divergences ont opposé, au cours des dernières réunions les plus importantes, d’une part Mouammar Kadhafi, Abdoulaye Wade, Omar Bongo Ondimba, qui comme Kwame Nkrumah naguère, ont exigé la constitution immédiate d’un gouvernement continental avec un seul chef et d’autre part les pays de la SADC et le Nigéria, qui ont préféré une intégration graduelle partant des unions régionales. Ces dissensions qui mettent à rude épreuve les desseins de l’organisation panafricaine ont amené le Pr El Hadj Mbodj à la comparer dans une conférence donnée le 1er mai 2008 à la Bibliothèque Africaine de l’Université de Meiji au Japon, au rocher de Sisyphe. Il en ressort que le panafricanisme militant présumé salutaire, qui cristallise tous les espoirs et dont l’OUA depuis 1963 et l’UA depuis 2002 sont une traduction pratique en institution concrète, est en panne ou tout au moins dans l’impasse. Reste une dernière bouée de sauvetage appelée démocratie qui, là encore, se cherche comme une aiguille dans une botte de foin.
Dans son article intitulé « L’état de la démocratie libérale en Afrique. Résurgence ou recul ? », Léon Tony, se situant dans la perspective historique de l’époque postcoloniale, note, certes une amélioration de la situation :
« Aujourd’hui, la situation démocratique dans 48 pays africains où vivent les quelque 800 millions de personnes est mieux qu’à tout autre moment depuis l’indépendance. En 2009, Freedom House a identifié 10 pays d’Afrique comme ‘’libres’’, 23 comme ‘’partiellement libres’’ et 15 comme ‘’non libres’’. En revanche, en 1980, seulement 4 pays sont libres, 15 en partie libres, et 27 non libres » .
S’il considère que les contestations des résultats des élections, presqu’inexistantes avant 1990 mais nombreuses de nos jours, sont la preuve qu’il y a une évolution positive, il convient de reconnaître que les niveaux de démocratisation ne sont pas à la hauteur des efforts consentis à ce dessein. Même la chance de voir un jour certains Etats comme le Togo, le Gabon et la RDC, où la transmission agitée du pouvoir politique de père en fils frise l’instauration d’une tradition monarchique, devenir démocratiques semble mince.
Si malgré le dévouement et la fougue de l’Osagyefo (le Rédempteur), malgré la dévotion des soupirants transis et la ferveur des inconditionnels bien-pensants du panafricanisme politique, l’OUA et l’UA ont fait long feu et si malgré les martyrs de la lutte contre les dictatures pour l’avènement de la démocratie, les résultats escomptés semblent insignifiants, les causes de ces fiascos, si elles sont identifiées sans la moindre méprise, contribueraient inévitablement à prévenir de nouveaux désenchantements.
Analyse de l’état des lieux
Quelques observations portant parfois sur des détails – et Dieu est parfois dans le détail – suscitent quelques interrogations. Le fait que Kwame Nkrumah, le défenseur implacable et farouche de la fondation illico presto des Etats-Unis d’Afrique, ait toléré l’attribut flatteur au relent messianique de Rédempteur (osagyefo), que le conscientisme, sa doctrine politique, ait été inspiré du marxisme qu’il a tenté de domestiquer par la palingénésie « des valeurs humanitaires et égalitaires de l’Afrique traditionnelle dans un monde moderne » , qu’il ait eu beaucoup trop de sympathie pour des pays communistes fréquentés au cours de son règne écourté par un coup d’Etat alors que le communisme d’alors était indissociable du totalitarisme, peut-on le dispenser sans frais de toute intention de prendre les commandes de l’empire continental ? La conception normale et raisonnable du pouvoir, dont le culte de la personnalité d’un père de la nation prend le contrepied, veut que le roi ou le président soit avant tout le serviteur du peuple, celui qui se sacrifie pour son royaume. Les « pragmatiques » , partisans de la construction d’ensembles régionaux qui déboucheraient plus tard sur l’unité totale, n’auraient eu tort de voir en Nkrumah « un doctrinaire égocentrique et ambitieux cachant en réalité des plans expansionnistes visant, en cette période de guerre froide, à livrer toute l’Afrique, poings et mains liés, au communisme » .
C’est dire que non seulement il ne fallait pas négliger le contexte des relations internationales tendues et fébriles entre l’Est et l’Ouest qui semblait peu propice à de telles ambitions mais qu’il fallait aussi redouter des rivalités intestines rédhibitoires à une unité viable. Amadou Kourouma, l’auteur de Les soleils des indépendances, ne manquera pas de relever dans une interview que les indépendances africaines ont eu le malheur d’advenir au mauvais moment, c’est-à-dire pendant la guerre froide. L’Osagyefo lui-même a été chassé du pouvoir par un coup d’Etat en 1966. Nombreux ont été les pères des indépendances africaines, en rupture de ban avec les impérialistes, qui ont été évincés du pouvoir lorsqu’ils ont eu la chance d’échapper à l’assassinat. A leur place, des fantoches, des sbires régisseurs d’intérêts étrangers et installés au pouvoir pour déblayer les affaires des multinationales ou faire bon accueil aux rastaquouères du néocolonialisme. Mongo Béti peut alors écrire comme titre d’un chapitre consacré à une telle conjoncture : « Afrique francophone, capitale Paris ! » et Sony Labou Tansi exprimer en ces termes ce désenchantement : « on avait demandé l’indépendance avec les prières – c’étaient les seules prières des Noirs que Dieu avait écoutées. On avait tué des bêtes, donné des filles aux couvents et des garçons aux séminaires. Mais ce premier cadeau qu’on recevait de Dieu avait déçu – Honorable ceci, Honorable cela, Excellence ceci, Excellence cela – l’indépendance avait vraiment déçu, et avec elle, Dieu qui l’avait envoyée. »
Force est de noter que le syndrome du culte de la personnalité et des dictatures sévissait dans l’Afrique postcoloniale de la guerre froide. Sony Labou Tansi, dans un article titré « Qu’avons-nous fait des trente années d’indépendance ? » les avait si bien exprimés : « Partout dans une Afrique livrée à l’indignité et en panne d’âme, des constitutions merveilleusement pavoisées de droits fondamentaux et de libertés gémissent sous les plombs lâchés aux quatre coins de la démocratie. Silence de plomb. Silence de peur silence. Silence de pain… L’insémination suprême de la patrie par le père unique de la nation crève tous les ridicules. »
Il serait curieux de croire qu’il aurait suffi que toute l’Afrique forme un gouvernement unique pour fût à l’abri de tels travers. Les soubresauts qui ont semé tant de déroutes dans l’histoire des Etats africains postcoloniaux ne sauraient certainement pas imputables uniquement au maintien de la balkanisation du continent qu’une simple union politique aurait préservé de tant de tourments ? Ne fallait-il pas redouter d’inévitables rivalités désastreuses et fratricides entre personnalités politiques qui mèneraient la nouvelle structure mise en place à la dérive comme le regrettable imbroglio funeste du lendemain de l’indépendance de l’actuelle RDC ? Comment un gouvernement continental africain mis en place en 1963 y aurait-il échappé ? Certainement qu’aucune prédisposition prophylactique n’aurait pu le dispenser de ces calamités.
Curieusement le profil des inconditionnels de la formation immédiate d’un gouvernement continental au cours des dernières rencontres de l’UA en 2007 et 2008 est tel que leur appétence pour le culte de la personnalité et leur aversion de l’alternance au pouvoir, avec ce que tout cela cache de compromissions et de corruptions, n’en font pas des parangons de vertu. Si A. Wade a vainement tenté de tripatouiller les dispositions légales pour se maintenir au pouvoir ou pour y installer son fils Karim, Omar Bongo est mort les armes à la main, après plus de 40 ans de règne avant que le pouvoir n’ait échu à son fils après des élections vivement contestées. Les frasques sexuelles de Mouammar Kadhafi, révélées après sa mort tragique, qui n’enlèvent rien à ses contributions substantielles à l’UA, en disent tout de même long sur sa personnalité et la nature de son régime qui a duré 42 ans. Si ces deux derniers avaient été démocrates, ils n’auraient pas eu l’opportunité de demeurer présidents de leur pays et de participer à la création de l’UA. Est-il si insensé de craindre qu’ils aient eu des desseins occultes et de se méfier de leur position tranchée ?
Entre autres inquiétudes qui poussent donc à se garder de toute précipitation dans la construction de l’unité politique panafricaine figurent en bonne place la menace de la dictature, la dépendance économique, culturelle et politique de puissances étrangères qui, soucieuses de protéger leurs importants intérêts en Afrique, la financeraient pour en retour la noyauter en ne laissant parvenir à ses commandes que leurs hommes de main, des dissensions de ses dirigeants dont l’égocentrisme de nombreux d’entre eux, encore peu coutumiers du jeu démocratique, risque de les déterminer à faire sécession. Le retrait du Maroc de l’OUA et donc de l’UA depuis 1984 suite à l’adoption de la position algérienne admettant la République Sahraouie comme membre de l’organisation panafricaine, est un exemple qui rend plausible des défections.
La guerre froide ayant vécu depuis la chute du mur de Berlin et l’implosion de l’URSS, on peut croire à juste titre que l’union africaine est plus facile à réaliser de nos jours que naguère. Mais faut-il encore prendre conscience de certains écueils persistants qui risquent de la saborder : L’Afrique, encore pourvue de nombreuses ressources naturelles, ne continue-t-elle pas d’être un « continent convoité » ? A-t-elle les moyens de financer la résolution de ses conflits intérieurs et de faire face aux dépenses nécessaires à la construction et au maintien de son unité ? Les pays africains qui ont été victimes de tentatives réussies ou avortées de sécession, ayant souvent été ceux qui, comme le Soudan, la RDC, le Nigéria et aujourd’hui le Mali, sont trop grands, en nombre d’habitants ou en superficie, ou trop riches pour contrôler ses frontières, ses ressources naturelles ou ses populations, l’UA, qui aura besoin d’énormes moyens pour assurer son indépendance et sa stabilité, peut-elle facilement réussir là où ces Etats ont échoué ?
Même si l’UA et la démocratie avaient été une réussite, il ne fallait peut-être pas en attendre grande chose : le Mali, bien que démocratique, est humilié et divisé par la sécession de l’AZAWAD. L’UA attend de l’aide des Occidentaux avant de voler à son secours. Si ayant une armée africaine unique et un seul gouvernement continental, ce dernier devrait financer de telles interventions, ce sont bien les parties du continent qui sont riches et capables de tels sacrifices financiers qui mettront les mais à la poche. Le grand nombre de pays pauvres tirerait ainsi vers le bas les rares Etats africains émergents qui seront obligés de financer la sécurité et les infrastructures des autres. Il faut s’attendre que par voie de conséquence ils réclament, à juste titre, d’avoir toujours les rênes du pouvoir. Il faut aussi espérer que ceux qui ne peuvent contribuer de façon significative aux financements ne jouent pas au mauvais coucheur et refusent de se laisser manipuler par des multinationales qui ont des intérêts colossaux à défendre sur les terres africaines et qui sont prêtes à allumer les foyers de tensions, à fomenter et à multiplier les guerres. Le fait que des pays servent de base arrière pour des rébellions chez leurs voisins présage que des dissensions entre dirigeants pourraient vite se transformer en conflits armés. L’une des curiosités dans les interventions de la communauté internationale pour résoudre la crise ivoirienne pendant ces dix dernières années est l’unanimité tacite sur la légitimité des rebelles à prendre les armes contre la République et le black-out total observé sur les sources de leurs financements, l’identité de leurs auxiliaires et de leurs commanditaires. C’est bien là une situation qui fait courir des rumeurs sur les manœuvres de chocolatiers mécontents des mesures initiées par Laurent Gbagbo sur le cacao du premier producteur mondial.
Propositions de quelques approches de solutions
Avant d’explorer certaines approches de solutions, il convient de s’interroger sur le but de la démocratisation et de l’UA : sont-elles un moyen de rendre les Africains plus heureux en leur procurant le bien-être matériel (même si cela seul ne suffit pas au vrai bonheur), en les dotant d’infrastructures modernes ? Ou sont-elles plutôt un moyen de rendre l’Afrique puissante, à même tenir tête aux autres, voire de prendre sa revanche sur les oppresseurs d’hier. Les attentes diffèrent selon qu’il s’agit d’un individu qui y verrait l’opportunité de se construire un standing de vie, d’une société qui s’équiperait mieux ou du continent entier qui affirmerait désormais sa puissance à la face du monde. L’union ne devrait-elle pas être un moyen pour réaliser les desseins du panafricanisme militant plutôt que d’être une fin en soi ? Un regard furtif sur certains pays émergents comme l’Inde montre que se constituer en pays de plus d’un milliard d’habitants en vue de l’acquisition de la puissance économique, militaire et politique ne rime pas toujours avec le bien être de la population : Il compte au sein de sa population encore beaucoup de pauvres . De petits pays comme la Suisse, la Suède ont le bien-être matériel et des infrastructures modernes. C’est dire que pour l’individu et la société, le bien-être et les infrastructures peuvent être acquis sans l’union africaine qui rencontre des obstacles encore insurmontables. Seule la recherche de la puissance du continent, qui aura certainement un impact positif et correctif sur le regard condescendant que le monde porte sur l’Afrique et les Africains, pourrait être retenue comme principale motivation.
Loin de contester la validité de son initiative et la noblesse des combats menés en vue de sa réussite, nous sommes tout de même contraints de reconnaître que les procédés d’érection d’une Afrique politique unie et démocratique (à l’occidentale) restent encore inopérants et qu’une issue heureuse n’est envisageable qu’à long terme à condition de se positionner dès aujourd’hui dans la perspective d’orientations prioritaires susceptibles d’impacter positivement l’avenir.
Lorsqu’on s’interroge sur les finalités initiales du panafricanisme militant telles qu’elles ont été énoncées au cinquième congrès de Manchester, qui a eu lieu de 13 au 21 octobre 1945, on se rend vite compte qu’après plus d’un demi-siècle, elles restent d’actualité parce que les recettes expérimentées se sont avérées en partie inopérantes. Il y est déclaré aux puissances coloniales : « Nous accueillons la démocratie économique comme la seule véritable démocratie » (IV.) et aux peuples colonisés : « Nous revendiquons le droit pour tous les peuples colonisés à être maîtres de leur destin. Toutes les colonies doivent se libérer du contrôle impérialiste étranger, qu’il soit politique ou économique. Les peuples des colonies doivent avoir le droit d’élire leurs propres gouvernements, sans restrictions imposées par les Puissances étrangères » (V) . Ces deux orientations, c’est-à-dire le droit d’accéder à une autonomie économique et de s’affranchir des influences étrangères, doivent être, à notre sens, des acquis de base devant préexister à tout autre projet. Sans ce préalable, ce n’est pas à coups de réunions, de conférence et autres messes verbeuses mais stériles de chefs d’Etats et de gouvernements, ni à force de se gargariser de formules incantatoires sur la nécessité de l’unité africaine pour en fin de compte n’esquisser que quelques mesures de concrétisation, souvent velléitaires et atones, que verront le jour les Etats unis d’Afrique. Pour construire une union panafricaine authentique et viable, il faut en avoir les moyens financiers, stratégiques, militaires et s’assurer de son indépendance. Comment s’y prendre alors ?
Cela passe avant tout par la vulgarisation de l’éducation. Comme le recommandait l’Américain BOOKER T. WASHINGTON, cette dernière doit être pour la grande masse orientée vers des domaines pratiques : « Si je plaide en faveur d’un enseignement et d’une formation professionnels pour les Noirs, ce n’est pas pour leur mettre des entraves mais pour les libérer. Je veux les voir pénétrer dans le monde tout-puissant des affaires et du commerce » . Les contenus des programmes doivent être révisés pour désormais être tourné vers l’esprit d’entrepreneuriat car c’est par cet esprit que s’acquiert la véritable indépendance. L’école doit enseigner d’abord à se prendre en charge dans son milieu. Alors l’apprenant saura s’investir dans le secteur privé, se créer soi-même sans assistance, des richesses. Alors il pourra accroître sa capacité de pression sur les pouvoirs politiques illégitimes par son pouvoir économique, son ascendant social ou sa notoriété. Cette quête individuelle d’une autonomie économique exige un changement de mentalité et une confiance en soi. Tout se passe encore dans de nombreuses sociétés de pays africains francophones comme si l’indépendance avait été octroyée gratuitement, avec une pinte de paternalisme, et que le cordon ombilical n’avait pas été rompu avec la métropole. Certains ne désirent même pas le rompre, tant ils ont peur de ne pas pouvoir se prendre en charge sans les béquilles des aides des Occidentaux. D’autres sont même convaincus de l’incapacité congénitale du nègre à réaliser des exploits sans une assistance extérieure. Les produits de la science, de la technique (les produits manufacturés), de la médecine ou de la littérature sont encore dans le langage quotidien de nombreux Africains considérés ou simplement appelés « les produits des Blancs », comme si pour les fabriquer il faut nécessairement être un Blanc ou se faire assister de lui. La conséquence psychologique est qu’il ne lui effleure pas du tout l’esprit qu’on puisse concevoir la mathématique, la physique ou la biochimie en une langue autre que le français ou l’anglais. Dans le pire des cas, ils n’osent pas concevoir, encore moins prendre l’initiative, d’entreprendre des projets comportant de grands défis. Tant que l’éducation de base n’amènera pas le petit Africain à se débarrasser de ce complexe, d’avoir confiance en lui, d’avoir le courage de prendre des initiatives pour développer son environnement, l’Afrique continuera de macérer dans la stagnation.
L’Afrique, désireuse de se démocratiser politiquement ou de réaliser son unité, a eu un itinéraire qui ne lui permet pas encore d’atteindre ses objectifs. Les pires des nombreux écueils qui se dressent devant elle sont la divergence de point de vue de ses décideurs et la dépendance de l’extérieur. Pour parvenir à relever les défis, il faut avoir la patience de commencer par s’assurer deux préalables : l’indépendance économique et l’affranchissement de l’extérieur. Cela ne peut s’obtenir que par la confiance en soi, l’éducation, l’esprit entrepreneurial et le travail.
Les ouvrages et revue cités
1/- Beti Mongo, La France contre l’Afrique (retour au Cameroun), La Découverte/ Poche, 1993, 2006, 256 p.
2/- Hope Franklin, John, De l’esclavage à la liberté, histoire des afro-américains, Nouveaux Horizons, Editions caribéennes, 1984, 616 p.
3/- Jeune Afrique n° 1555 du 17 au 23 octobre 1990
4/- Labou Tansi, Sony, La vie et demie, Seuil, 1979, 192 p.
5/- M’bokolo, Elikia, Le Continent convoité, Éditions Études Vivantes, Paris, 1980, 281 p.
Les sites consultés
http://www.elhadjmbodj.net/index.php?option=com_content&view=article&id=45&Itemid=10
http://saharadumaroc.net/spage.asp?rub=14&Txt=97&parent=&parent1=1
www.mediaterre.org/afrique/actu,20041006154309.html
A propos de l’auteur : KOUMA Yaovi Mensah Charles a soutenu une thèse de doctorat sur le baroque dans l’œuvre romanesque de Sony Labou Tansi et est titulaire d’un master en FLE, d’une licence en sciences de l’éducation. Il enseigne actuellement les lettres dans un lycée au Gabon.