Par Senator Mobina Jaffer : En janvier 2013, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a rendu public un rapport sur la situation des droits de l’homme au Mali, qui couvre la période allant du 17 janvier au 20 novembre 2012. Ce rapport traite de nombreuses violations des droits de la personne et souligne que les femmes sont plus particulièrement touchées par le conflit. Il cite des cas de harcèlement, d’abus et de violence sexuelle de femmes accusées d’être mal voilées ou de ne pas porter la tenue réglementaire, ou encore de se promener à moto.
Durant toute ma carrière, j’ai eu, à maintes reprises, l’occasion de travailler dans des pays aux prises avec la violence et les conflits, et j’ai passé un certain temps au Mali. J’ai toujours été une grande partisane de l’application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité et j’ai eu de nombreuses occasions de voir comment elle peut changer la vie des femmes. Mon expérience m’a enseigné que l’incidence de la résolution 1325 et ses applications pratiques pour les femmes dans des zones de conflit dépendent encore largement de la volonté d’engagement de personnes dévouées. Or, les Maliennes ont exprimé avec force leur désir de participer activement aux processus de prise de décisions. Les femmes doivent être présentes à la table de négociation de la paix. Toutefois, la présidente du groupe malien Droits et Citoyenneté des femmes, Nana Sissako Traore, affirme que « les femmes sont exclues du processus ».
Malheureusement, ce n’est pas surprenant. Sur les 14 négociations pour la paix menées conjointement par l’ONU en 2011, seulement 4 comprenaient des délégations dont faisait partie une femme. En novembre 2012, la Secrétaire générale adjointe de l’ONU et directrice d’ONU Femmes, Michelle Bachelet, a noté lors du débat du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité que, « en dépit de leur absence des processus officiels de résolution des différends […], dans le Nord, les dirigeantes maliennes utilisent des voies non officielles pour exhorter les dirigeants de groupes armés à participer à des pourparlers sur la paix » [traduction]. Je salue les femmes du Mali.
Grâce à l’application de la résolution 1325, les Maliennes doivent exiger de leur gouvernement et des Nations Unies la possibilité « de participer en parts égales et complètement », et « l’augmentation de la représentation des femmes à tous les niveaux de décision ». Lorsqu’on mettra sur pied des programmes de reconstruction après conflit, les femmes pourront demander à ce qu’un nombre égal de femmes et d’hommes y participent. Il est encore plus que nécessaire que les femmes soient davantage représentées aux postes de décision au Mali.
La résolution 1325 reconnaît en outre « qu’il est urgent d’incorporer dans les opérations de maintien de la paix une démarche sexospécifique ». Si la force de maintien de la paix du Mali comportait un grand nombre de femmes, cela pourrait constituer le fer de lance qui permettrait aux Maliennes de faire partie des Forces armées maliennes. Cela permettrait de transformer la façon dont ces dernières interagissent avec les femmes victimes de violence et de veiller à ce que les Forces fassent partie de la solution plutôt que du problème. En outre, comme les femmes et les enfants se sentent plus à l’aise de dénoncer les abus aux femmes membres des missions de maintien de la paix, l’ONU serait toujours au courant de la situation réelle sur le terrain.
La résolution 1325 reconnaît que les combats ne s’engagent plus sur les champs de bataille, mais dans la collectivité. En conséquence, les femmes et les enfants souffrent davantage. Ils sont plus touchés que les hommes par le conflit. Lorsque nous envisageons des solutions de paix, nous devons donc nous assurer de prendre en compte les incidences de ces solutions sur les femmes.
Plusieurs exemples montrent de quelle façon la résolution 1325 peut favoriser l’autonomisation des femmes. J’ai eu recours à l’application de la résolution 1325 en Palestine et en Israël pour rassembler les Palestiniennes et les Israéliennes il y a quelques années. Nous avons pu tenir 20 tables rondes parce que les deux groupes avaient signé la résolution 1325.
Au Sri Lanka, lors des pourparlers de paix et de la mise en œuvre des processus de paix, nous avons appliqué la résolution 1325. Les résultats ont été étonnants. Les TLET, les soi-disant forces rebelles, comptaient des femmes soldats très fortes. Nous avons réuni des femmes soldats et des représentantes des organisations du gouvernement à la table de négociation de la paix. Les femmes du gouvernement sri-lankais partageaient de l’information avec les femmes soldats, les femmes qui avaient le pouvoir. Le processus de paix a malheureusement échoué, mais nous avons pu appliquer la résolution 1325 afin d’avoir une influence constructive sur le processus.
Au Pakistan, dans la région de Peshawar et d’Islamabad, nous avons rassemblé de nombreuses femmes afin de mettre au point le processus de déradicalisation des terroristes.
L’application de la résolution 1325 et la reconnaissance de son potentiel comme puissant outil de promotion de la paix peuvent comporter d’énormes avantages pour les femmes et les enfants vivant au Mali. Cela favorisera non seulement l’autonomie des Maliennes, leur permettant de s’exprimer dans leurs collectivités, mais également une paix durable dans un pays ravagé par la guerre.