Written by Noémie Moukanda
Le mois de décembre a été le théâtre de violences urbaines un peu partout en Grèce. Des confrontations telles que le pays n’en avait plus connues depuis plusieurs décennies.
Deux forces vives s’affrontent. D’une part, la loi des manifestations, des cocktails Molotov, des pillages et destructions des magasins et banques pour se faire entendre, pour que les revendications soient considérées. De l’autre, la loi des bombes lacrymogènes, des coups de matraques pour que l’ordre reprenne ses droits.
Cagoulés ou à visage découvert, violemment ou pacifiquement, les jeunes, majoritairement étudiants, assiègent les rues d’une dizaine de villes grecques. Athènes, Salonique, Patras, etc., la violence se propage d’une manière tentaculaire jusqu’aux îles de Crète et de Corfou, et la solidarité juvénile ne faiblit pas. La police, pointée du doigt par cette même jeunesse, tente, tant bien que mal, de contrôler la situation, tantôt en ripostant tantôt en chien de faïence.
Ces émeutes, bien que parfois incompréhensibles, trouvent toutefois deux explications. La première est la mort d’un jeune de quinze ans. Les vraies circonstances du décès d’Andréas Grigoropoulos dans les environs de l’Université d’Athènes, le 7 décembre dernier, connaissent quelques zones d’ombres. Cependant, le groupe de jeunes avec qui Andréas était lorsqu’il a été touché par une balle tirée par un policier atteste que ce dernier aurait tiré à trois reprises vers eux, suite aux pierres lancées sur leur véhicule et aux injures proférées à leur encontre. Ce que démentent les agents qui parlent d’incident.
Par ailleurs, cette jeunesse révoltée dénonce sa situation socio-économique qui est inacceptable. En effet, 20 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Ces deux facteurs conjugués aux scandales politiques, les jeunes Grecs se sentent excédés par leurs conditions de vie et veulent le faire savoir au monde mais avant tout à leurs dirigeants.
Solidarité juvénile versus unité politique
Alors que la Grèce s’embrase, les pouvoirs politiques semblent démunis face à tant de rage. L’opposition profite de cette faiblesse pour provoquer des nouvelles élections. Le chef de l’opposition socialiste, George Papandreou, estime en effet que la population a perdu confiance dans le gouvernement. Cependant, le premier ministre, Costas Karamanlis, a rejeté toute hypothèse d’asseoir des élections anticipées et a appelé à l’unité politique. Il a exhorté les différentes franges de la scène politique à condamner sévèrement ces exactions. Des réactions qui ne convainquent pas grand monde, les médias y compris. Ceux-ci reprochent le son incapacité à gérer ces émeutes. Un journal grec titrait d’ailleurs « Le feu fait rage et le gouvernement se contente de regarder ».
En outre, dans une lettre de condoléance adressée à la famille Grigoropoulos, le premier ministre a assuré que les responsables de la mort de l’adolescent ne trouveront aucune indulgence. Il a rajouté que l’Etat grec veillera à ce qu’une telle tragédie ne se répète pas.
Geste significatif mais pas suffisant aux yeux des jeunes contestataires, les deux policiers impliqués dans cet incident ont été suspendus.
Avec un bilan provisoire de plus de 200 arrestations, près d’une centaine de blessés et de magasins détruits, les jeunes manifestants ne sont pas prêts à déposer les armes. Ils ont promis d’occuper les rues grecques tant que leurs préoccupations ne seront pas prises en compte.
Ayant une tradition de manifestations étudiantes et d’attentats anarchistes, la Grèce sent la plaie de 1973 s’ouvrir. Les évènements de cette année-là avaient contribué à faire chuter le régime des colonels, une des périodes les plus sombres de son histoire contemporaine, avec une implication des étudiants.