Au fil des ans, le rôle et la place de la question religieuse dans le conflit israélo-palestinien a évolué
Dans son livre The Question of Palestine, Edward Saïd considérait en 1979 la religion comme un élément important du conflit, mais secondaire. Il expliquait : “Le conflit entre sionistes et Palestiniens n’est pas essentiellement religieux, même si la terminologie et les symboles religieux sont souvent invoqués pour le justifier. Il s’agit plutôt d’une lutte pour la terre, l’identité et les droits politiques, compliquée par les séquelles du colonialisme et de la dépossession.”
Cette perspective est partagée par Leïla Shahid, une diplomate palestinienne éminente. Elle ne considère pas la religion comme la question centrale du conflit israélo-palestinien. Ses positions s’alignent plutôt sur une perspective politique et historique, en se concentrant sur la lutte du peuple palestinien pour ses droits nationaux, l’autodétermination et la justice, plutôt que de présenter le conflit comme essentiellement religieux.
Dans un entretien avec France 24, Shahid a déclaré :
« Ce conflit n’est pas un choc de civilisations ou de religions. C’est un conflit politique et colonial qui nécessite une solution politique. »
Yasser Arafat lui-même ne plaçait pas la question civilisationnelle au cœur du débat. Impliqué dans un bras de fer politique, il utilisait la religion comme d’un outil pour servir
ses intérêts.
La perspective de Shahid et de Saïd est-elle toujours prédominante parmi les défenseurs de la cause palestinienne? Rien n’est moins sûr car du point de vue du Hamas, l’islam est une composante centrale du conflit.
Le Hamas, à l’instar des ayatollahs de la République islamique d’Iran, placent la religion au cœur de son interprétation du conflit israélo-palestinien, plaçant sa lutte dans le contexte d’un devoir national et religieux. Sa charte et ses actions sont profondément influencées par l’idéologie islamique, qui façonne son approche de la résistance et de la gouvernance.
Du côté d’Israël, au lendemain du 7 octobre, le premier ministre Benjamin Netanyahu a souvent utilisé des références bibliques pour justifier la réponse militaire d’Israël. Netanyahu a notamment mis en avant le passage sur les Amalécites, ennemis bibliques d’Israël et les a amalgamés aux Hamas.
Cette comparaison est tirée du livre du Deutéronome et de Samuel, où les Israélites reçoivent l’ordre d’éliminer les Amalécites pour leurs attaques violentes.
De surcroit le ministre des Finances et chef du Parti sioniste religieux Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité Nationale et chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben-Gvir ont utilisé a plusieurs reprise un langage religieux. Ils placent l’offensive militaire dans le cadre de la rédemption juive et de la promesse divine.
Ainsi, le conflit israélo-palestinien reflète une complexité qui dépasse la religion. Alors que des figures comme Edward Saïd et Leïla Shahid ont historiquement perçu ce conflit comme une lutte politique et coloniale, certains acteurs contemporains, tels que le Hamas et certains responsables israéliens, tendent à accentuer la dimension religieuse. Cette évolution montre de quelle façon les discours se modifient et s’adaptent aux contextes et aux dynamiques politiques.
En conclusion, les récents événements et la montée de références religieuses dans les discours israéliens et palestiniens démontrent l’influence croissante de la religion, sans pour autant diminuer les racines politiques et historiques du conflit. Ces nuances sont essentielles pour comprendre l’évolution des perceptions et des justifications au sein de chaque camp.