En réaction à l’assassinat du chef politique du Hamas Ismael Haniyeh, le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi et ses homologues qatari et américain ont appelé, dans une déclaration commune, Israël et le Hamas à reprendre les négociations vers un accord de cessez-le-feu et de libération des otages.
Israël n’a ni confirmé ni nié son rôle dans la mort de Haniyeh, tué par un projectile lancé depuis l’extérieur de sa résidence à Téhéran. Mais l’incident met un peu plus d’huile sur le feu dans une région du monde déjà plongée dans un péril sans précédent depuis les attaques du 7 octobre 2023.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le gouvernement égyptien a comme principale préoccupation les conséquences de ce conflit sur sa propre sécurité. Cependant, lors de la dernière semaine de juillet, une succession d’événements a entraîné le Moyen-Orient vers un embrasement général.
Partageant une frontière avec Israël, l’Égypte n’en est pas a sa premiere gestion de crise suscitée par le conflit israélo-palestinien. Mais celle-ci est de loin la plus grave et la plus longue, Notamment parce qu’en plus de l’offensive sur Gaza, viennent s’ajouter les bombardements et tirs de roquettes sporadiques qui menacent d’envenimer la situation entre Israël d’une part et le Hezbollah en Iran et les Houthi du Yémen d’autre part.
Entre le 27 et le 31 juillet, l’aviation israélienne a frappé un entrepôt d’armes dans le Kfar Kila près de la frontière israélo-libanaise, tuant trois militants du Hezbollah. Suivra ensuite un tir de roquette sur un terrain de football dans le village de Druze, dans le plateau du Golan, tuant douze enfants et adolescents. Israël a attribué ces frappes au Hezbollah.
Les représailles israéliennes ne se sont pas fait attendre, coûtant la vie à deux personnes dans le sud du Liban. Les représailles ont continué le 31 juillet, lorsqu’ une frappe aérienne israélienne a tué Fuad Shukr, un haut responsable du Hezbollah.
Le Ministre des Affaires Étrangères égyptien, Badr Abdelatty, lors d’un entretien téléphonique le 3 août avec son homologue libanais,a exprimé le soutien de l’Égypte au Liban frère face aux menaces qui l’entourent.
Le ministre a exprimé sa profonde préoccupation face au rythme dangereusement croissant de l’escalade dans la région et à ses effets potentiels sur la sécurité et la stabilité du Liban, appelant à la nécessité d’unir les efforts pour éviter que la situation ne se détériore et ne glisse vers une expansion du conflit.
Abdelatty a appelé son homologue iranien le même jour pour insister sur le fait que les récents développements observés dans la région représentent une menace sans précédent. Ils pourraient selon lui élargir la portée du conflit d’une manière qui menacerait la stabilité des pays de la région et les intérêts de leurs peuples.
Au-delà des échanges diplomatiques avec les poids lourds de la région, les leviers diplomatiques de l’Égypte dans le casse-tête des relations entre Israël, l’Iran et Le Liban sont restreints. Le rôle primordial de Sisi subsiste dans les négociations entre Israël et le Hamas, mais surtout dans la gestion des conséquences factuelles sur L’Égypte.
La pression migratoire
Depuis le début de la guerre, des centaines de milliers de Palestiniens sont massés à la frontière dans l’espoir de la traverser. Malgré l’opposition très forte du président Sisi au déplacement massif de Palestiniens de Gaza, l’ambassadeur palestinien en Egypte Diab al-Louh a declaré qu’entre 80,000 et 100,000 Palestiniens avaient réussi à traverser la frontière.
Sisi s’inscrit dans la lignée de d’autres Chefs d’Etat de la région qui,dans le but d’éviter un autre Nakba, ont radicalement refusé d’accueillir des réfugiés palestiniens. Il a déclaré dans les jours qui ont suivi l’offensive israélienne que la guerre actuelle n’était pas seulement un moyen de combattre le Hamas mais aussi une tentative d’expulser la population vers l’Égypte.
De son côté, le roi de Jordanie, Abdullah II, a appuyé les propos de Sisi en déclarant au même moment : “Aucun réfugié en Jordanie et aucun réfugié en Égypte”.
D’après les deux dirigeants, tout déplacement massif de Palestiniens de Gaza ou de la Cisjordanie annulera la demande de la création d’un État Palestinien.
Les tensions dans le Sinaï
Par ailleurs, la question sécuritaire préoccupe fortement Sisi. D’après le Mukhabarat, service de renseignement général égyptien, les mouvements de population permettent aux militants du Hamas de pénétrer dans le Sinaï.
En effet, situé entre la Mer Rouge et la Mer Méditerranée, la péninsule du Sinaï est au nord de l’Égypte. D’une superficie de 60,000 kilomètres carrés pour une population de 600,000 habitants, la province est en proie à divers groupes djihadistes,tels que l’État islamique dans la péninsule du Sinaï (EI-SP).
D’après le département d’Etat américain, en 2022, 95 incidents terroristes se sont produits dans la péninsule du Sinaï, faisant environ 260 victimes. L’EI-SP a revendiqué la responsabilité de la plupart des attaques.
Une arrivée massive des militants du Hamas ne pourrait qu’aggraver l’état de précarité actuel et répandre la violence dans le reste du pays.
Les conséquences sur le tourisme
Étant donné la proximité géographique de l’Égypte avec Gaza, la guerre a aussi des conséquences sur le secteur touristique de l’économie égyptienne. L’instabilité et les inquiétudes en matière de sécurité ont amené les gouvernements étrangers à émettre des avis de voyages négatifs et des avertissements contre les visites en Égypte.
Selon les estimations du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 20 à 40% des réservations dans les destinations de la Mer Rouge sont déjà annulées et 30 à 50 % dans les hôtels et croisières sur le Nil en 2024.
Sous certaines hypothèses, en deux exercices budgétaires, 2023-2024 et 2024-2025, la baisse totale des revenus du tourisme en Égypte pourrait atteindre les 11,4 milliards de dollars dans le cas d’un conflit de haute intensité, selon le PNUD. Cette baisse des revenus du tourisme correspond à 2,9% du PIB dans le cas d’un conflit de haute intensité.
Les effets sur le canal de Suez
Au-delà du tourisme, le canal de Suez, autre pilier de l’économie égyptienne, subit lui aussi les répercussions économiques du conflit qui touche son voisin. En effet, les perturbations du trafic maritime dans le canal en raison des attaques en Mer Rouge ont eu un impact considérable, non seulement sur les recettes du canal mais aussi sur le commerce mondial.
Les attaques des Houthis du Yémen contre les navires traversant la Mer Rouge conduisent les grandes compagnies maritimes à y interrompre le transit pour détourner leurs navires vers le cap de Bonne-Espérance.
Les deux années fiscales citées ci-dessus voient un déclin de 2,3 milliards de dollars dans les recettes du canal de Suez, soit une baisse de 0,6% du PIB. Le PNUD estime que sur les années fiscales 2023-2024 et 2024-2025, dans un scénario de guerre à haute intensité, l’Égypte perdra 13,7 milliards de dollars de ses revenus liés au tourisme et au canal de Suez.
Le traité de paix de 1979
Suite au déclenchement de l’offensive à Gaza, des incidents dans le corridor de Philadelphie – la zone tampon entre l’Égypte et Israël – mettent une pression sans aucune mesure sur les relations israélo-égyptiennes, tout en soulignant l’impuissance de l’Égypte à l’égard des actions de son voisin.
En janvier 2024, le gouvernement égyptien a affirmé que toute présence de l’armée israélienne du côté égyptien du corridor de Philadelphie constituerait une violation du traité de paix de 1979 signé par les deux nations. Cependant Israël n’a subi aucune représaille en mai 2024 lorsque son armée a pris position dans cette bande de terre, causant la mort d’un garde frontière Égyptien.
Cette situation révèle que Sisi n’a d’autre stratégie que de contenir tout incident avec Israël et d’apaiser la tension. Les leviers diplomatiques du côté égyptien sont minces et les autorités savent qu’un conflit avec Israël aurait des conséquences désastreuses sur l’Égypte.
By Aida Kane
The opinions expressed by our columnists and contributors are theirs alone and do not inherently or expressly reflect the views of our publication.
États D’âme au Moyen-Orient :L’impasse Egyptienne Face au Conflit Israélo-Palestinien
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En réaction à l’assassinat du chef politique du Hamas Ismael Haniyeh, le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi et ses homologues qatari et américain ont appelé, dans une déclaration commune, Israël et le Hamas à reprendre les négociations vers un accord de cessez-le-feu et de libération des otages.
Israël n’a ni confirmé ni nié son rôle dans la mort de Haniyeh, tué par un projectile lancé depuis l’extérieur de sa résidence à Téhéran. Mais l’incident met un peu plus d’huile sur le feu dans une région du monde déjà plongée dans un péril sans précédent depuis les attaques du 7 octobre 2023.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le gouvernement égyptien a comme principale préoccupation les conséquences de ce conflit sur sa propre sécurité. Cependant, lors de la dernière semaine de juillet, une succession d’événements a entraîné le Moyen-Orient vers un embrasement général.
Partageant une frontière avec Israël, l’Égypte n’en est pas a sa premiere gestion de crise suscitée par le conflit israélo-palestinien. Mais celle-ci est de loin la plus grave et la plus longue, Notamment parce qu’en plus de l’offensive sur Gaza, viennent s’ajouter les bombardements et tirs de roquettes sporadiques qui menacent d’envenimer la situation entre Israël d’une part et le Hezbollah en Iran et les Houthi du Yémen d’autre part.
Entre le 27 et le 31 juillet, l’aviation israélienne a frappé un entrepôt d’armes dans le Kfar Kila près de la frontière israélo-libanaise, tuant trois militants du Hezbollah. Suivra ensuite un tir de roquette sur un terrain de football dans le village de Druze, dans le plateau du Golan, tuant douze enfants et adolescents. Israël a attribué ces frappes au Hezbollah.
Les représailles israéliennes ne se sont pas fait attendre, coûtant la vie à deux personnes dans le sud du Liban. Les représailles ont continué le 31 juillet, lorsqu’ une frappe aérienne israélienne a tué Fuad Shukr, un haut responsable du Hezbollah.
Le Ministre des Affaires Étrangères égyptien, Badr Abdelatty, lors d’un entretien téléphonique le 3 août avec son homologue libanais,a exprimé le soutien de l’Égypte au Liban frère face aux menaces qui l’entourent.
Le ministre a exprimé sa profonde préoccupation face au rythme dangereusement croissant de l’escalade dans la région et à ses effets potentiels sur la sécurité et la stabilité du Liban, appelant à la nécessité d’unir les efforts pour éviter que la situation ne se détériore et ne glisse vers une expansion du conflit.
Abdelatty a appelé son homologue iranien le même jour pour insister sur le fait que les récents développements observés dans la région représentent une menace sans précédent. Ils pourraient selon lui élargir la portée du conflit d’une manière qui menacerait la stabilité des pays de la région et les intérêts de leurs peuples.
Au-delà des échanges diplomatiques avec les poids lourds de la région, les leviers diplomatiques de l’Égypte dans le casse-tête des relations entre Israël, l’Iran et Le Liban sont restreints. Le rôle primordial de Sisi subsiste dans les négociations entre Israël et le Hamas, mais surtout dans la gestion des conséquences factuelles sur L’Égypte.
La pression migratoire
Depuis le début de la guerre, des centaines de milliers de Palestiniens sont massés à la frontière dans l’espoir de la traverser. Malgré l’opposition très forte du président Sisi au déplacement massif de Palestiniens de Gaza, l’ambassadeur palestinien en Egypte Diab al-Louh a declaré qu’entre 80,000 et 100,000 Palestiniens avaient réussi à traverser la frontière.
Sisi s’inscrit dans la lignée de d’autres Chefs d’Etat de la région qui,dans le but d’éviter un autre Nakba, ont radicalement refusé d’accueillir des réfugiés palestiniens. Il a déclaré dans les jours qui ont suivi l’offensive israélienne que la guerre actuelle n’était pas seulement un moyen de combattre le Hamas mais aussi une tentative d’expulser la population vers l’Égypte.
De son côté, le roi de Jordanie, Abdullah II, a appuyé les propos de Sisi en déclarant au même moment : “Aucun réfugié en Jordanie et aucun réfugié en Égypte”.
D’après les deux dirigeants, tout déplacement massif de Palestiniens de Gaza ou de la Cisjordanie annulera la demande de la création d’un État Palestinien.
Les tensions dans le Sinaï
Par ailleurs, la question sécuritaire préoccupe fortement Sisi. D’après le Mukhabarat, service de renseignement général égyptien, les mouvements de population permettent aux militants du Hamas de pénétrer dans le Sinaï.
En effet, situé entre la Mer Rouge et la Mer Méditerranée, la péninsule du Sinaï est au nord de l’Égypte. D’une superficie de 60,000 kilomètres carrés pour une population de 600,000 habitants, la province est en proie à divers groupes djihadistes,tels que l’État islamique dans la péninsule du Sinaï (EI-SP).
D’après le département d’Etat américain, en 2022, 95 incidents terroristes se sont produits dans la péninsule du Sinaï, faisant environ 260 victimes. L’EI-SP a revendiqué la responsabilité de la plupart des attaques.
Une arrivée massive des militants du Hamas ne pourrait qu’aggraver l’état de précarité actuel et répandre la violence dans le reste du pays.
Les conséquences sur le tourisme
Étant donné la proximité géographique de l’Égypte avec Gaza, la guerre a aussi des conséquences sur le secteur touristique de l’économie égyptienne. L’instabilité et les inquiétudes en matière de sécurité ont amené les gouvernements étrangers à émettre des avis de voyages négatifs et des avertissements contre les visites en Égypte.
Selon les estimations du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), 20 à 40% des réservations dans les destinations de la Mer Rouge sont déjà annulées et 30 à 50 % dans les hôtels et croisières sur le Nil en 2024.
Sous certaines hypothèses, en deux exercices budgétaires, 2023-2024 et 2024-2025, la baisse totale des revenus du tourisme en Égypte pourrait atteindre les 11,4 milliards de dollars dans le cas d’un conflit de haute intensité, selon le PNUD. Cette baisse des revenus du tourisme correspond à 2,9% du PIB dans le cas d’un conflit de haute intensité.
Les effets sur le canal de Suez
Au-delà du tourisme, le canal de Suez, autre pilier de l’économie égyptienne, subit lui aussi les répercussions économiques du conflit qui touche son voisin. En effet, les perturbations du trafic maritime dans le canal en raison des attaques en Mer Rouge ont eu un impact considérable, non seulement sur les recettes du canal mais aussi sur le commerce mondial.
Les attaques des Houthis du Yémen contre les navires traversant la Mer Rouge conduisent les grandes compagnies maritimes à y interrompre le transit pour détourner leurs navires vers le cap de Bonne-Espérance.
Les deux années fiscales citées ci-dessus voient un déclin de 2,3 milliards de dollars dans les recettes du canal de Suez, soit une baisse de 0,6% du PIB. Le PNUD estime que sur les années fiscales 2023-2024 et 2024-2025, dans un scénario de guerre à haute intensité, l’Égypte perdra 13,7 milliards de dollars de ses revenus liés au tourisme et au canal de Suez.
Le traité de paix de 1979
Suite au déclenchement de l’offensive à Gaza, des incidents dans le corridor de Philadelphie – la zone tampon entre l’Égypte et Israël – mettent une pression sans aucune mesure sur les relations israélo-égyptiennes, tout en soulignant l’impuissance de l’Égypte à l’égard des actions de son voisin.
En janvier 2024, le gouvernement égyptien a affirmé que toute présence de l’armée israélienne du côté égyptien du corridor de Philadelphie constituerait une violation du traité de paix de 1979 signé par les deux nations. Cependant Israël n’a subi aucune représaille en mai 2024 lorsque son armée a pris position dans cette bande de terre, causant la mort d’un garde frontière Égyptien.
Cette situation révèle que Sisi n’a d’autre stratégie que de contenir tout incident avec Israël et d’apaiser la tension. Les leviers diplomatiques du côté égyptien sont minces et les autorités savent qu’un conflit avec Israël aurait des conséquences désastreuses sur l’Égypte.
By Aida Kane
The opinions expressed by our columnists and contributors are theirs alone and do not inherently or expressly reflect the views of our publication.
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