Pourquoi si peu d’intérêt en milieu minoritaire?
L’occident vie apparemment à une ère de “participation” aux médias. Une “nouvelle” n’est plus non seulement la version officielle de ce que certains intérêts ont cru bon retenir, mais aussi la réaction suscitée à cette nouvelle. Par exemple, la nouvelle est-elle véritablement pertinente, que veut-on nous faire croire, qu’est-ce qu’on ne nous dit pas, est-ce véritablement ce qui s’est passé ou encore pourquoi pas plutôt couvrir cette autre nouvelle? Le média à l’origine de la “nouvelle” n’est plus même en mesure de retenir seulement les réactions qui lui sont favorables, les médias sociaux se chargeant dorénavant de la véritable diffusion de la nouvelle. Alors un contenu véritablement d’intérêt suscitera des centaines sinon des milliers de réactions, viralité oblige.
La nouvelle dynamique des médias s’applique non seulement à une “nouvelle” mais aussi aux “affaires publiques”, aux éditoriaux, aux chroniques, aux blogues, aux tweets, etc. Tout contenu est affecté! Le média doit désormais réussir à engager son public de par ses choix de pupitre, compte-tenu des ressources disponibles. Il doit lui faire sentir que ce contenu leur est destiné et que leur participation est sollicitée. Les annonceurs et autres bailleurs de fonds suivront. Le média s’en portera mieux.
Or notre milieu minoritaire francophone semble avoir échappé à une telle dynamique. Les contenus ne suscitent à peu près jamais de réaction. Les journalistes ont souvent de grandes difficultés à recueillir des réactions du public outre les messages officiels du “porte-parole” de l’organisme, de l’institution, du gouvernement, etc. L’environnement médiatique qui en résulte est franchement plate à suivre. Peu de journalistes choisiront de couvrir cette actualité, peu de gens y prendront intérêt. Les professionnels des médias préféreront couvrir le milieu majoritaire ambiant ou même l’actualité d’ailleurs, la chronique internationale, les sports, les tendances, la techno, la bouffe, etc. Des ressources journalistiques sont ainsi détournées de ce qui devait être couvert en premier lieu.
N’y-a-t’il pourtant pas en milieu minoritaire des nouvelles, des entretiens, des chroniques, des blogues, des tweets et autres contenus qui devraient susciter de l’intérêt? Le diffuseur public ne suscite jamais de réaction en ligne et la sollicite pourtant depuis quelques années après certains retards. Reprenons l’exemple de la disparition récente de l’Express du Pacifique. Aucun intérêt ne n’est manifesté en ligne sur le site de Radio-Canada malgré une excellente couverture. Les rares intérêts qui se sont manifestés sur Facebook ont été mal appuyés et sans suivi, le comité créé par le milieu associatif institutionnel ne contactant pas même ces rares intérêts. La “nouvelle” est demeurée sans suivi, le journaliste n’y voyant aucun intérêt. Une nouvelle de l’organisme Canadian Parent for French avec un impact potentiel énorme pour la francophonie ne suscitait aucun intérêt en ligne ou sur les médias sociaux, après une couverture disons sommaire. Dito pour l’annonce de fermeture des classes du Secondaire en septembre prochain à l’école d’André Piolat. Le best-seller de Chuck Davis portant sur l’histoire du Vancouver métropolitain ignorait complètement le segment francophone et a été complètement ignoré par nos médias récemment. Nos médias agissent-ils ainsi en tant qu’agent de déconstruction identitaire, ceux qui étaient supposés veiller au grain? La construction identitaire en milieu minoritaire ne devrait-elle pas en fait consister à nous mettre en garde contre ceux qui font tout pour décimer notre identité de minoritaire?
Peut-on en fait se demander si ce milieu institutionnel sert à désamorcer tout intérêt se manifestant? Particulièrement lorsque la principale couverture accordée par nos médias institutionnels se concentre sur ces “porte-paroles” d’organismes, d’institutions, ou de gouvernements et que le citoyen est laissé pour compte devant les groupes d’intérêt. Le citoyen normal réalisera rapidement que la machine contre laquelle il doit se battre est implacable, qu’elle résistera à tout changement et que mieux vaux investir son énergie ailleurs. Read assimilation. Ce que la grande majorité des francophones vivant en milieu minoritaire font hélas tôt ou tard, certainement pas de gaieté de cœur. La prochaine génération et les prochains nouveaux arrivants suivront l’exemple de ceux qui les précèdent et refuseront similairement de s’investir dans cette langue et culture minoritaire contraint par un environnement médiatique si ringard. Cela malgré les vœux pieux du milieu institutionnel et les quelques efforts à bout de bras des derniers résistants.
Plusieurs commentateurs parlent depuis longtemps de francophonie en milieu minoritaire sous le respirateur artificiel. Les bailleurs de fonds gouvernementaux sont maintenant cassés et doivent couper. Les soutiens pour la francophonie sont de plus en plus hésitants. Retirer le financement semble être la suite logique puisque personne ne porte plus attention. Voyons voir maintenant combien de réaction cet éditorial grinçant suscitera…