Enfin, il faudrait vraiment se parler davantage… #JeSuisCharlie ou #IamCharlie?
A titre de francophone longuement établi en milieu minoritaire, permettez moi de partager quelques réflexions en matière de coexistence de notre belle langue en milieu minoritaire.
D’abord comprenez bien que je comprends parfaitement cette quasi-obsession à devenir bilingue au plus vite, ou s’angliciser, ayant jadis vécu les mêmes défis “d’intégration”, emploi, logement, partenaire, camarades de travail, voisins, etc. Tel la plupart de ceux qui vous ont précédé, peu importe les “services” qui nous sont offerts, ce focus nous fait pratiquement mettre au rancart total la langue dans laquelle nous avons grandi. Question de “s’intégrer”, de ne pas passer pour un “maudit Québécois”, un “maudit Français” ou autre expatrié francophone du monde trainant trop de bagage, incapable de s’adapter à un environnement linguistique différent.
Oui je comprends qu’il y a peu d’exemples de francophones qui ont réussi à jongler les langues sans ou bien tomber dans le bassin ambiant du tout à l’anglais, outre dans le cercle privé des proches amis, ou bien tomber dans le ghetto expats ethnique ou encore “multiculturel” lunette rose de bilinguisme mur-à-mur bidon au service de l’État, maudissant les assimilés pour avoir délaissé leurs souches, sans vraiment comprendre l’autre monde dans lequel les gens doivent payer les maudites factures…
J’en arrive à l’élément déclencheur que j’ai observé à tant de reprises dans le passé, mais pour lequel je n’ai jamais agi, plus confortable assis sur mon derrière à attendre qu’un autre intervienne. C’est ironique que le déclic soit survenu lors d’un événement portant sur la “liberté d’expression”, ou cette abominable tuerie de Charlie Hebdo pour laquelle nous avons tous souffert. Oui c’était réconfortant de voir des francophones principalement Français se mobiliser localement ici à Vancouver en soutien citoyen, sans plus de cérémonie. Le hic: l’invitation diffusée via Facebook s’adressait aux “French citizens living in Vancouver” et a été envoyé initialement strictement en anglais sans absolument aucune considération pour le pays d’accueil et ses énormes défis en matière de bilinguisme. Non je ne m’attendais pas à une traduction “mur-à-mur”d’un message invitant également nos camarades anglophones à participer, mais au moins à une marque de reconnaissance à la langue des victimes du Charlie Hebdo, à nos amis francophiles qui souhaitent s’améliorer en français, à notre prochaine génération en quête identitaire, aux autres groupes francophones qui auraient souhaité participer, et aux autres gens ne parlant pas nécessairement le français, mais à la recherche d’une expérience différente du “tout à l’anglais”. Nos amis Français ont suffisamment la commande de leur langue pour savoir comment mieux la faire valoir dans une invitation “bilingue”, sans rédiger une traduction institutionnelle “mur-à-mur”.
Je ne pointerai pas du doigt seulement les nouveaux arrivants Français à ainsi mettre au rancart leur langue durant les premières années, pour trop souvent l’abandonner complètement, selon nos statistiques d’assimilation à peu près les pires au pays. Mais le groupe linguistique Français maîtrise sa langue plus que tout autre. Cela devrait faire l’objet d’une grande fierté et de partage avec ceux qui n’ont pas eu la chance de tomber et de grandir dans la potion magique. Le système éducationnel Français semble en effet avoir produit de meilleurs résultats, certainement en matière de langue.
J’ai avisé les deux organisateurs du groupe de leur maladresse linguistique. Un s’en est rapidement excusé, indiquant que l’invitation serait révisée. Peut-on maintenant espérer que la “liberté d’expression” prendra du mieux plus près de nous parmi ceux qui souhaitent mieux partager notre belle langue? Enfin, il faudrait vraiment se parler davantage… #JeSuisCharlie ou #IamCharlie?
Réjean Beaulieu, Burnaby
Référence-web:
1) http://www.facebook.com/events/542482589188788/
2) http://ici.radio-canada.ca/regions/colombie-britannique/2015/01/09/006-charlie-paris-attaques-rassemblement-vancouver-robson-solidarite.shtml