Un beau rendez-vous en perspective!
Le concours “Affiche ta francophonie” invitait à se prendre en auto-portrait et à se diffuser avec le carton: “Les Rendez-vous de la Francophonie, j’embarque! #RVFranco ”. Or peu de gens s’expriment publiquement en milieu minoritaire en français et, à en juger par l’utilisation du mot-clique sur les réseaux sociaux, peu ont répondu à l’appel pan-canadien relayé en Colombie-Britannique par la Fédération des francophones de Colombie-Britannique (FFCB), Canadian Parents for French (CPF) et le Conseil scolaire francophone (CSF). Dans quoi exactement demandait-t-on “d’embarquer” et pourquoi donc? S’agissait-il du printemps, du mois, de la semaine ou de la journée de la francophonie? De la francophonie internationale, continentale, canadienne, britanno-colombienne ou vancouvéroise? Enfin, devait-on dire quoi afficher?
Le tout semblait bien problématique à en juger par la “Journée de la francophonie / B.C. Francophonie Day” tenue à la législature provinciale, par sa couverture dans nos médias et par l’intérêt suscité. Les plus jeunes de l’école Victor-Brodeur ont définitivement bien fait leur part en chantant fièrement “On est bien chez nous en Colombie-Britannique”. Le hic, une entreprise québécoise était la seule reconnue pour sa contribution à l’économie britanno-colombienne alors que celle d’entrepreneurs britanno-colombiens était laissée pour compte. La nouvelle web “L’économie francophone à l’honneur” de ICI Colombie-Britannique nous apprenait que la Société de développement économique (SDE) était responsable pour le choix de la compagnie québécoise mais qu’elle ne disposait pas d’une liste d’entreprises pertinentes opérant ici. Ceux qui cliquaient le reportage du téléjournal apprenaient que l’entreprise ne s’était pas même présentée pour recevoir le prix et qu’une vidéo corporative avait dû être présentée. Personne n’a cru bon signaler la bavure en commentant ou partageant la nouvelle. Le titre web était révisé à “Une société québécoise à l’honneur”, pour ajouter à la plaie.
Un suivi le lendemain nous apprenait que le directeur général de la SDE attribuait au ministre britanno-colombien des affaires interprovinciales le choix de la thématique et d’une entreprise non britanno-colombienne pour la toute première fois. Par ailleurs, le DG regrettait que les entreprises francophones locales préfèraient ne pas s’afficher pour des raisons de “privacy”, donc “n’embarquaient pas”. Plus tard en semaine, la “Revue francophone” hebdomadaire du Téléjournal mettait l’emphase sur la quinzaine d’années de présence de la société québécoise en C.-B. et épargnait son auditoire de sordides détails. Bref, la revue n’embarquait pas davantage. Et on peut parier que l’auditoire n’a pu faire mieux.
La SDE n’est certes pas la seule organisation à être incapable de rejoindre les francophones, la plupart de ces derniers ne s’affichant pas, le plus souvent absorbés par leur “intégration” à la majorité ambiante à leur arrivée, et, une fois “intégrés”, plus capable de véritablement s’afficher. Parce que pour le faire, il faut avoir la confiance, des rôles-modèles, une liberté d’expression et amplement de soutien.
« What you don’t use, you lose » est un dicton souvent utilisé en milieu minoritaire pour illustrer l’abandon du français par ses principaux locuteurs. Peut-on se demander si cela s’applique également à la liberté d’expression requise pour véritablement célébrer la francophonie britanno-colombienne? “Afficher sa francophonie”, c’est beaucoup plus que de se prendre et de se diffuser en “selfie” sous un slogan plutôt bidon. C’est participer activement, appuyer ses médias sociaux, communautaires, et diffuseurs publics, y participer, commenter, partager et encourager les gens qui embarquent, avant et après la journée, la semaine ou le mois de la francophonie, ici et ailleurs. En plus, bien au-delà de la francophonie, la liberté d’expression et les médias pourraient prendre du mieux en ces temps tumultueux. Un beau rendez-vous en perspective!