Transparence: Fig. Qualité de ce qui peut être vu et connu de tous. CINÉMA. Truquage où les personnages sont filmés, en studio, devant un écran en verre dépoli sur lequel le décor est projeté. [Larousse]
Le diffuseur public annonçait récemment dans une missive intitulée “Radio-Canada.ca fait le pari de la transparence” qu’elle ne permettrait dorénavant plus l’usage de pseudonyme. Les commentaires devront donc être signés sous le véritable nom de l’usager lorsqu’un internaute désire partager son point de vue sur un contenu web. Le diffuseur public reconnaissait pourtant que “la très grande majorité” s’exprimait sous un pseudonyme, que le nombre de commentaires allait en s’accroissant et que la grande majorité respectait la Nétiquette. On invoquait comme raison, tout en voulant préserver la qualité de ces échanges, que la “communauté radio-canadienne est prête à faire le saut vers un niveau encore plus élevé de transparence”. On ajoutait “avoir soupesé le pour et le contre des pseudonymes dans un espace de débat public” sans toutefois inclure le lien hypertexte à ce débat, ou encore avoir annoncé au préalable la tenue d’un tel débat. La lettre (en ligne) terminait en nous remerciant pour notre “confiance”. Deux jours seulement après cette missive, la mesure est maintenant en place au moment de rédaction de cet article, i.e. vendredi le 15 juillet. En effet, l’avis intitulé “NOUVEAUTÉ: SIGNATURE COMPLÈTE DES COMMENTAIRES” rappelle ce matin l’objectif “de favoriser des discussions riches, respectueuses et constructives” et conclue avec un “Bonne discussion”!
Alors discutons. Faut-il d’abord s’étonner qu’une telle mesure soit mise en place un vendredi en plein creux d’été, avec à peu près aucun préavis ou débat dit “public”? Les mesures impopulaires sont habituellement ainsi mises en place par nos politiciens et gestionnaires du bien public. Faut-il s’étonner aussi que la “transparence” soit invoquée ainsi que des objectifs tout à fait louables? Et que nous soyons remerciés pour notre “confiance”? Les langues fourchues ne datent certes pas d’hier.
Voyons voir maintenant comment la dite “transparence” se manifeste. N’est-il pas étrange que nous soyons maintenant forcés de signer nos commentaires de notre propre nom pendant que ceux de l’auteur du contenu (e.g. nouvelle), des chefs de pupitre, de celui qui modérera le commentaire et de son dirigeant ne le sont pas? Et, surtout, que les noms de *ceux* qui ont pris cette étrange décision ne le soient pas davantage: les bottines ne suivent certes pas les babines quand la transparence est ainsi biaisée. Veut-on *vraiment* favoriser des discussions “riches, respectueuses et constructives”? Peut-être que les gens qui prennent ces décisions devraient également participer à ces discussions pour véritablement comprendre…
N’y-a-t-il pas également un enjeu de liberté d’expression et toutes sortes de bonnes raisons pour ne pas laisser son nom dans la place publique? Par exemple, un francophone qui vit en milieu minoritaire a souvent de grandes difficultés au français écrit et préfèrera s’exprimer sous un pseudo (et bravo s’il fait cet effort!). Un commentaire risque aussi de faire entrave à sa situation d’emploi, de contrat et autres réseaux. Donc les gens s’exprimeront encore moins! Serait-ce vraiment l’objectif en premier lieu?
Cette nouvelle pratique risque en effet d’évacuer davantage les branchés vers les médias sociaux là où ils peuvent mieux contrôler leur diffusion. En fait, peut-on se demander si c’est ce que ces dirigeants de Radio-Canada désirent consciemment –ou non, i.e. devenir complètement impertinent en tant que diffuseur *public*, de sorte que l’État puisse s’en défaire aisément, sous l’influence, bien sûr, de lobbyistes de la compétition aux poches bien garnies. De là, cette définition de “trucage” sur la transparence???
En bout de ligne, le célèbre CanardHasBeen ne pourra désormais plus s’exprimer directement sur le web du diffuseur dit public. Mon dernier commentaire pourtant soumis sous mon propre nom (et censuré malgré le respect de la Nétiquette) portait incidemment sur une histoire de magrets de canard devenu contaminés, distribués au Québec et en Ontario…