Par Senator Mobina Jaffer : Catégories : Patrimoine canadien, Langues officielles, Affaires étrangères, République démocratique du Congo, Droits de la personne, Coopération internationale
En 1970, l’Agence de coopération culturelle et technique, appelée par la suite Organisation internationale de la francophonie (OIF), a été créée non pas à Paris, mais à 4 000 mille kilomètres de là, à Niamey, capitale du Niger. De nos jours, 30 des 56 gouvernements et États membres de l’OIF proviennent de l’Afrique, où vivent 96,2 millions (48 %) des locuteurs francophones dans le monde, soit une proportion plus élevée que dans n’importe quel autre continent. Bien que l’OIF ait son siège à Paris, son cœur se trouve en Afrique.
« Instance suprême de la francophonie », le Sommet de l’OIF est présidé, tous les deux ans, par le chef d’État ou de gouvernement du pays hôte. Depuis 1986, 14 Sommets de la francophonie ont eu lieu : 5 en Afrique, dont le plus récent à Kinshasa, 4 en Europe, 3 en Amérique du Nord et 2 en Asie. Le Sénégal accueillera le Sommet de 2014 en même temps que prendra fin le mandat final du secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, président du Sénégal de 1981 à 2000.
Pour maintenir la crédibilité et la légitimité de l’OIF, il faut absolument qu’un grand nombre de pays d’Afrique aient l’occasion d’accueillir le Sommet de la francophonie. Ceux qui s’opposent à la tenue du Sommet en Afrique font fi des notions de représentation descriptive et d’inclusivité.
« J’espère qu’à l’avenir, la Francophonie et d’autres grandes organisations décideront d’organiser un sommet seulement dans les pays où il y a des normes démocratiques », a confié le premier ministre Stephen Harper le 14 octobre dernier après le Sommet.
Pour dire les choses simplement, ce n’est pas en évitant de tenir le Sommet de la francophonie ou d’autres grandes rencontres internationales dans des pays où les citoyens cherchent encore à promouvoir et à instaurer des institutions démocratiques qu’on encouragera la protection des droits de la personne, la suppression de la violence sexuelle et la démocratie.
Ni l’ignorance ni l’exclusion ne sont « au service de la promotion de la langue française, de la paix et du développement durable ». En tant qu’une ancienne envoyée spéciale pour la paix au Soudan, je garde en mémoire des images de pauvreté, de faim, de maladie et de violence inexplicable. Mais j’ai aussi appris que dans les pays d’Afrique comme la République démocratique du Congo, où les droits des femmes et des filles sont particulièrement bafoués et négligés, nous devons y être plus engagés, pas moins. Nous devons faire preuve d’une plus grande compassion, nous devons être plus actifs et plus diplomates, pas moins. Certes, il est important de dénoncer les abus de droits de la personne, mais il est encore plus important d’y mettre fin.
Après tout, les pays africains ont beaucoup à offrir : leurs cultures uniques et dynamiques, la générosité et la gentillesse de tant de peuples, et un sens inébranlable d’optimisme et de détermination, peu importe le défi. Pour parvenir à la paix ensemble, nous devons désavouer l’idée que l’Afrique est définie par ses difficultés. Elle est beaucoup mieux définie par son espoir.
Dans leur for intérieur, je pense que tous les Canadiens, y compris le premier ministre Harper, savent cela. Pour améliorer la compréhension des Canadiens de l’Afrique, cependant, il devrait y avoir plus de partage et d’échanges culturels entre le Canada et les pays africains, et la langue française et la francophonie sont des occasions uniques pour développer des relations plus profondes. Une première étape : le gouvernement du Canada devrait faciliter la participation davantage des Canadiens francophones d’origine africaine au sein de la francophonie. Quant aux rencontres internationales en Afrique, M. Harper admet d’être allé à Kinshasa « avec quelques réticences. Mais je pense que ça valait la peine parce que ça nous a donné l’occasion de rencontrer des gens qui travaillent activement au changement ici ».
Il s’agit d’une occasion en or, essentielle à tout espoir de paix durable. L’Afrique, cœur de la francophonie, son lieu d’origine, est là où la paix doit commencer.