Par L’honorable Mobina S.B. Jaffer, c.r., sénatrice : Depuis longtemps, le Canada est un pays d’immigration.
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a pour objet d’enrichir et de renforcer le tissu social et culturel du Canada dans le respect de son caractère fédéral, bilingue et multiculturel. On souligne l’importance de favoriser le développement des collectivités de langues officielles minoritaires au Canada.
Rappelons qu’environ 137,000 immigrants francophones vivent dans ces communautés, dont 70 % habite en Ontario, 15 % en Colombie-Britannique et 8 % en Alberta. Selon le recensement de 2006, les immigrants constituent 13 % de la population francophone totale dans les communautés minoritaires.
Cependant, un problème fait surface, les immigrants qui s’installent dans les communautés francophones en situation minoritaire n’ont pas toujours accès à des services juridiques en français.
Par exemple, à Ottawa, un plaignant ayant rempli le formulaire intitulé l’Avis d’intention de comparaître en français a appris en arrivant devant le tribunal que le poursuivant provincial était bilingue, mais que le juge de paix était unilingue anglophone.
Face à ce problème, une étude nationale a été réalisée pour la fédération des associations de juristes d’expression française de Common Law. Rappelons que cette fédération est le regroupement des associations régionales, provinciales et territoriales de juristes d’expression française engagées à promouvoir et à défendre les droits linguistiques des communautés francophones et acadiennes. L’étude en question porte le titre suivant : « L’accès à la justice et les carrières en justice pour les immigrants francophones dans les communautés minoritaires du Canada ».
Voici certains faits importants quant aux nouveaux arrivants au Canada :
Le premier est que l’accès à la justice n’est pas vu d’un œil aussi positif que l’accès à la santé, par exemple.
Deuxièmement, un nombre important de gens dans les groupes interrogés dans le cadre de cette étude, notamment les réfugiés, ont été marqués par leur propre expérience négative du système de justice de leur pays d’origine.
De là, l’importance de mettre l’emphase sur la fiabilité du système de justice canadien, mais également sur les opportunités quant à l’accès à des services en français.
À titre d’exemple, l’étude montre qu’environ la moitié des répondants ne savent pas où trouver les services d’un avocat ou encore les services de l’aide juridique de leur province.
Selon cette étude, il est important de prendre en considération ces différents facteurs quant à la mise en œuvre de stratégies venant en aide aux nouveaux arrivants.
Les enjeux et les défis identifiés dans cette étude confirment qu’il sera nécessaire de développer des stratégies et des actions qui ciblent directement les immigrants francophones. Cela permettra d’augmenter l’accès à la justice en français.
L’étude propose quatre grandes orientations stratégiques qui devront guider la mise en œuvre des projets.
La première orientation stratégique est de positionner l’accès à la justice en français comme un déterminant de l’immigration réussite. L’étude mentionne que l’accès à la justice en français devrait être positionné comme un déterminant d’une immigration réussie au même titre que l’intégration économique, sociale et culturelle des immigrants francophones.
La seconde orientation spécifique est d’agir sur les attitudes et les croyances des immigrants francophones face à l’accès à la justice. Il est important de les sensibiliser avec du matériel de soutien clair et simple expliquant les fondements du système de justice canadien.
La troisième orientation spécifique est d’organiser une approche concertée entre différents organismes communautaires. Un grand constat qui se dégage de l’analyse démographique est la répartition inégale des immigrants dans les provinces et territoires. Cela dit, il faudra accepter que les projets et les stratégies diffèrent selon les régions en fonction de la répartition des immigrants francophones à travers le Canada.
La dernière orientation spécifique est d’établir des relations de travail avec les communautés immigrantes en utilisant des lieux de rencontres naturels de ces communautés.
Ces stratégies proposées par l’étude ne sont qu’un début quant au développement et l’épanouissement de l’accès à la justice en français pour les nouveaux arrivants. En fait, ces stratégies aident à comprendre l’ampleur du problème dont vivent les immigrants francophones arrivant au Canada.