Une saga d’oubli se continue…
Un monument se retrouve abandonné pour généralement de bonnes raisons. Par exemple, il n’aurait jamais dû être érigé. Ou encore les gens préfèrent ne pas se faire rappeler, tant d’autres sujets sont plus intéressants … ou lucratifs. D’ailleurs, une fois érigé, s’en débarrasser sera difficile. Plus encore de le mettre à jour si la rectitude de jadis a brouillé les cartes. Alors venir à la rescousse nécessitera les meilleures raisons.
Prenez le cas de ce cairn situé dans un parc régional du Vancouver métropolitain. Peu de Britanno-Colombiens réalisent que le monument marque le tout premier emplacement dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique où ensemble des Canadiens dits “Français”, dits “Métis”, dits “Abénakis”, “Iroquois” ou “Kanakas” ainsi que “Écossais” étaient accueillis par le groupe Kwantlen/Stó:lō pour établir un premier poste de traite. Faut-il rappeler que ces pionniers ont appris langues et coutumes, se sont accouplés aux femmes du pays, ont engagé progéniture, ont pris racine et ouvert la voie? Cela en s’affairant aux commerces de fourrure, pêche et autres produits des forêts et de la terre. Les alliances de sang allaient ainsi permettre une transition pacifique pour les prochaines vagues de peuplement!
Mal annoncé, le monument gît en bordure du tronçon “Fort to Fort trail” d’un sentier de randonnée dit “Transcanadien”. La piste est supposée favoriser les échanges entre Canadiens. De quoi se demander ce que ces pionniers qui se déclaraient fièrement “Canadiens” à travers tout le Nord-Ouest penseraient du parterre mal entretenu et de l’inscription suivante dissimulée sous les mousses noircies
FORT LANGLEY
The original Fort Langley was built here in 1827
James McMillan in charge The site of the first permanent settlement
and cultivation of the soil in the lower Fraser valley
later known as Derby
Home of the royal engineers 1858-1859
Pas un mot sur le groupe autochtone qui accueillait ou sur ceux qui sont accueillis. Le mégalithe était érigé en 1946 par Alex Houston le fils de James, un pionnier de la ruée vers l’or circa 1857 lui même accouplé avec une femme Kwantlen. Des panneaux dits d’interprétation gisent au loin en écart au monument. La construction du premier fort y est décrite ainsi: “It was a diverse group of Scottish, French-Canadian, Iroquois and Kanaka (from Hawai workers)”. Toujours aucun Métis noté, les contractuels n’ont droit ni de cité, ni de reconnaissance de pionniers.
En début d’avril, le comité patrimonial du Langley Township se disait pourtant ravi de finalement entendre l’initiative d’un petit groupe de citoyens prêts à mettre à jour le monument par l’ajout d’une nouvelle plaque ayant pour but d’honorer les pionniers laissés pour compte. Au point de demander de finaliser les détails de la proposition avec l’association du parc Derby Reach à l’intérieur duquel sied le monument légué à la ville. Mais faut-il vraiment se surprendre que le “portage” familier à ces Voyageurs d’antan serait rempli d’autant d’embûches?
D’abord des salariés de l’organisme public Metro Vancouver qui opère le parc se sont présentés en nombre pour faire valoir les intérêts de l’organisme défunt Travel BC jadis associé à la promotion du site. Ou encore leur propre projet “Experience the Fraser” pour remplacer leurs panneaux sans toutefois financement ou horaire. Rappelons que la ville de Langley avait bel et bien reconnu avoir tous les droits au monument lors d’une présentation initiale à laquelle Métro ne s’était pas présenté, même si invité et contacté en tout premier lieu. Rappelons aussi que Métro faisait valoir ses objections avant même que les membres de l’association n’aient pu entendre la proposition. Et que le comité patrimonial avait invité l’association du parc à aider l’initiative.
Faut-il se surprendre que des voix anonymes incapables de se présenter à la rencontre aient eu peur que le mégalithe de granite soit abimé par l’ajout d’une plaque? Ou que la pratique d’un ajout soit mal venue, même si durant la présentation initiale, la ville de Langley reconnaissait de tels précédents sur son territoire. Ou encore que des malfaiteurs volent la plaque historique bien en place depuis plus de 60 ans, et cela malgré un marché clandestin de revente de bronze inexistant. Que le monument risque d’être vandalisé alors que les panneaux de plexiglas en place y sont encore plus susceptibles. Que la dimension et la compatibilité de la nouvelle plaque ne puissent être aménagées. Excuse finale : l’ajout d’une plaque sans panneau d’interprétation serait une source de confusion??? Notons que l’association du parc responsable pour la tenue de la rencontre était incapable d’inviter ou d’intéresser des autochtones ou métis de Langley à l’initiative. Bref aucun intérêt à faire avancer la proposition, mais amplement de faux-fuyant tel que la suggestion d’ériger (et de financer!) un tout nouveau monument et de nouveaux panneaux d’interprétation loin du monument sur un site déjà encombré.
Le comité patrimonial retirait son intérêt du projet en fin d’été tout en réitérant les faux-fuyants, sans même tenir une rencontre de leur comité. Il y avait pourtant une belle occasion d’enseignement de l’Histoire britanno-colombienne. Pas une version épurée venue d’ailleurs, après avoir tant cheminé ici en Colombie-Britannique, penserait-on.
Que reste-t-il de l’occasion manquée autrement qu’un témoignage bien contemporain d’oubli, sinon d’apathie collective incluant les médias? Le monument unilingue noirci d’Histoire lessivée reste abandonné pour le moment, toujours incapable en 2011 de véritablement partager une Histoire commune sur le sentier dit “Transcanadien”. Les Canadiens sont-ils capables d’y échanger en perpétuant indéfiniment une telle saga d’oubli? En attendant le prochain épisode, consolons-nous en honorant la mémoire de ces pionniers sur de nouveaux espaces virtuels :
PEOPLE
Kwéleches / Bienvenue / Welcome
La Nation Kwentlen accueillit jadis un groupe de Premières Nations, Métis et Canadiens. Langues, cultures et familles s’entremêlèrent. Le premier poste de traite était ainsi établi ici dans la vallée du Fraser (1827-1839).
The Kwantlen people once greeted a group of First Nations, Métis and Canadiens. Languages, cultures and families all intermingled. The first trading post was hence established here in the Fraser Valley (1827-1839). ~
Cən hákw’eles / Je me souviens / I remember
François Noël Annance, Amable Arquoitte, James Baker, George Barnston, Louis Boisvert, Olivier Bouchard, Pierre Charles, Como, Joseph Cornoyer, Jean Baptiste Dubois, Jean Baptiste Ettue, Dominique Faron, John Kennedy, Anawiskum aka Macdonald, James MacMillan, Donald Manson, Peopeoh, Antoine Perrault, Jacques Perrault, François Piette dit Faniant, Simon Plomondeau, Louis Satakarata dit Rabaska, Laurent Sauvé dit Laplante, François Xavier Tarihonga, Abraham Vincent
Bazile Brousseau, Narcisse Falardeau, Louis Ossin, Angus McPhail, Frédérique Minie, Étienne Pépin, Ta-i, Pierre Therrien, James Yale